« Adieu Mandalay » : Le dur métier de l’exil

Le cinéaste Midi Z confronte de jeunes réfugiés birmans à ceux qui les exploitent en Thaïlande.

Ingrid Merckx  • 26 avril 2017 abonné·es
« Adieu Mandalay » : Le dur métier de l’exil
© photo : Acacias films

Liangquing traverse une rivière sur une bouée. Sur la rive, elle paie. En montant à l’arrière d’une moto, elle paie. Au pied du camion, elle paie. Mais s’installe finalement sur la banquette, car Guo propose de la remplacer dans le coffre. C’est le début du périple de ces deux jeunes immigrés birmans en Thaïlande. Le début de leur histoire et le début de leur calvaire. Elle a 22 ans, lui 25. Il va rejoindre sa sœur à Bangkok, elle part retrouver une amie qui doit l’aider. Adieu Mandalay est un concentré fictionnel des tragédies que vivent les réfugiés birmans en Thaïlande et, par extension, les réfugiés du monde entier.

Midi Z, cinéaste né en Birmanie qui a fait ses études à Taïwan, a choisi des personnages jeunes, beaux, bons et déterminés. Lui à gagner le maximum à l’usine pour rentrer en Birmanie. Elle à obtenir un permis de travail et un visa pour Taïwan. Elle rêve d’une vie meilleure ailleurs. Lui de s’en tirer le mieux possible ici. Il a besoin d’attachement. Elle est tendue vers son but. Sauf en de rares respirations – quand les jeunes ouvriers dansent en s’arrosant, ou quand Guo offre un pendentif à Liangquing –, Adieu Mandalay enchaîne les étapes de leur combat : le trajet, l’arrivée, la colocation, l’entretien d’embauche, la quête de papiers… Midi Z confronte les ouvriers aux autres : passeurs, employeurs, autorités, entremetteurs… Certains exploiteurs se montrent plus humains que d’autres, mais la monnaie d’échange reste le corps des exploités. Des corps jeunes, fins, musclés, filmés avec respect comme force de travail et de résistance.

Les attitudes des ouvriers en disent plus long sur leur personnalité que les mots, réduits à l’essentiel dans des décors qui varient entre plans larges, dans la campagne ou dans l’usine, et plans plus serrés, dans des bureaux hostiles, des transports et des logements suroccupés.

Les personnages passent leur temps à donner sans garantie l’argent qu’ils viennent de gagner. Les pâtes de riz sont leur principale source d’énergie. Ils se lavent peu tant l’eau semble manquer, mais portent jeans et tee-shirts propres. Ils dorment sous des moustiquaires pas fraîches. Ils se frôlent car ils n’ont pas d’intimité. Ils ne sont à l’abri d’aucun contrôle, emprisonnement ou accident. Et ils enquillent des journées de quinze heures dans un air moite. À l’usine, ils ne sont plus que des numéros. Dure métaphore de la perte d’identité de la classe laborieuse clandestine qui sert de chair à canon à un monde qui ne peut pas se passer d’elle.

Adieu Mandalay, Midi Z, 1 h 48.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes