Désarmement : le Pays basque s’apprête à vivre une journée historique

Samedi 8 avril, la société civile basque prend l’initiative d’organiser la remise aux autorités françaises de l’ensemble de l’arsenal de l’ETA, en lien avec le groupe séparatiste.

Patrick Piro  • 7 avril 2017 abonné·es
Désarmement : le Pays basque s’apprête à vivre une journée historique
© Photo : Conférence de presse historique, le 5 avril, au Pays basque espagnol, de l’ensemble des partis et syndicats en faveur du désarmement total d’ETA (ANDER GILLENEA / AFP).

Cette fois-ci, les Artisans de la paix ont décidé de passer au grand format : la remise aux autorités de l’intégralité de l’arsenal controlé par l’ETA. L’opération se déroulera samedi 8 avril sur le territoire basque « Nord » (en France), où sont localisées la quasi-totalité des caches d’armes du groupe séparatiste.

Le 16 décembre dernier, cinq militants de la société civile basque avaient tenté, à Louhossoa (Pyrénées-Atlantiques), de neutraliser un lot remis par l’organisation et représentant environ 15 % de son armement. Ils avaient été interrompus par l’irruption de la police.

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Une action qui avait connu un fort retentissement : il s’agissait de la première initiative concrète de désarmement de l’organisation. L’ETA a certes annoncé dès 2011 l’abandon définitif de la lutte armée, et son arsenal a été déposé sous scellés dans des lieux tenus secrets, avec le contrôle d’une Commission internationale de vérification, composée de personnalités reconnues. Mais ce renoncement n’est pas reconnu par les gouvernements espagnol et français, qui le considèrent depuis six ans comme nul et non avenu. Et des signes font redouter que cette intransigeance, qui bloque toute normalisation au Pays basque, attise des velléités de reprise des armes chez les plus radicaux.

Et la situation n’a pas changé après l’opération de Louhossoa : la proposition faite alors par les Artisans de la Paix de saisir l’occasion de régler le sort de l’arsenal a été ignorée par le gouvernement français. Désireux d’accentuer la pression sur les politiques avant la présidentielle, les militants, avec le soutien quasi unanime de la population basque — partis, élus, syndicats et organisations de la société civile —, ont décidé la mobilisation massive du 8 mars. Près de 50 associations, mouvements, syndicats et autres organisations (dont les partis politiques EELV, PG et NPA) ont signé un appel de soutien à la journée du 8 avril, affirmant que le désarmement est une « condition incontournable » à la résolution définitive du conflit en Pays basque, ouvrant la voie notamment à « la prise en compte de toutes les victimes avec les réparations que cela suppose ».

Accélération des événements, depuis deux jours : l’ETA a confirmé par anticipation le 7 avril, via un communiqué envoyé à la BBC, que l’organisation se considère désormais comme « désarmée ».

La percée la plus spectaculaire a eu lieu mercredi dernier au Pays basque « Sud » (Euskadi, province Pays basque espagnol) : une conférence de presse historique a réuni l’ensemble des partis à l’exception du Partido popular (PP, droite conservatrice), au pouvoir en Espagne mais qui ne représente que 8 % de la population en Pays basque, ainsi que tous les syndicats – même ceux qui ne défendent pas l’autonomie basque. Cet appui politique pourrait entre autres se traduire par la présence d’un représentant du gouvernement d’Euskadi samedi 8 avril à Bayonne.

En ponctuation aux opérations de désarmement (sortie des armes de leurs caches, remise à la police française sous contrôle), tenues secrètes pour des raisons de sécurité et d’encadrement (elles sont formellement illégales), la ville accueillera un programme chargé. De nombreuses personnalités de la société civile sont attendues lors d’une journée que clôturera un grand rassemblement auquel participeront des milliers de personnes venues de France, d’Espagne et d’ailleurs, sous le regard de près de 300 journalistes accrédités.

Société Politique
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