EELV : l’après-présidentielle est dans toutes les têtes

Dissous dans la campagne laborieuse de Hamon, les écologistes se projettent dans les législatives et au-delà pour imaginer une recomposition des forces au sein de la gauche.

Patrick Piro  • 5 avril 2017 abonné·es
EELV : l’après-présidentielle est dans toutes les têtes
© photo : STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP

Avec l’accord de désistement signé par Jadot en faveur de Hamon, Europe Écologie Les Verts (EELV) a pu estimer un temps s’être extrait à bon compte du marasme de la présidentielle. Mais entraînés par la campagne déclinante du vainqueur de la primaire socialiste, les écologistes sont devenus invisibles et inaudibles. D’autant plus que la direction du parti, bien qu’ayant obtenu d’une trentaine de places au sein de l’équipe d’Hamon, semble aujourd’hui marginalisée. « Depuis la signature de l’accord, nous avons peu été sollicités, nous n’avons pas de réponses sur les questions touchant au programme, et beaucoup de difficultés avec les arbitrages, témoigne Alain Coulombel, secrétaire national adjoint d’EELV. Nous étions intégrés dans le conseil politique de la campagne… Il ne s’est jamais réuni ! Nous sommes en train de perdre sur tous les tableaux. »

Reste l’accord passé avec le PS sur les législatives, qui peut laisser espérer une dizaine de députés aux écologistes. Les scrutins de juin donneront-ils matière à un « front » gauche-écologiste plus convaincant que pour la présidentielle ? « Nous pouvons très bien envisager une forme d’accord national, au moins avec le PCF et Ensemble, avec lesquels nous avons des discussions, et nous serions alors ouverts à reconsidérer l’investiture de nos candidats, estime le cadre écologiste. Cependant, je ne crois absolument pas une forme d’expérimentation généralisée, tout au plus des “rassemblements”, larges dans une cinquantaine de circonscriptions, mais à faible lisibilité nationale. »

À l’aile gauche du parti, Élise Lowy, membre du bureau exécutif d’EELV et cosignataire d’une tribune appelant à des convergences forte pour les législatives, ne désespère pas que la France insoumise soit sensible à une telle perspective. « Je considère comme exemplaire le large soutien apporté par nos partis et mouvements à la candidature du militant François Ruffin pour la législative d’Amiens-Nord. Et selon l’orientation que pourrait adopter le PS à la suite de la présidentielle – un rapprochement avec Macron par exemple, auquel certains écologistes seraient prêts aussi ! –, il n’est pas exclu que nous dénoncions l’accord législatif passé avec Hamon. »

Incertitude avec la France insoumise

Force politique affaiblie, EELV en est réduite à attendre que se décantent les choix postprésidentiels du candidat socialiste : retour au bercail PS ou franchissement du Rubicon pour appuyer un front parlementaire d’opposition gauche-écolo à Macron (s’il est élu Président) ? Même incertitude avec la France insoumise. « La mouvement va-t-il se constituer en organisation politique ?, s’interroge Alain Coulombel. Les scores de Mélenchon et de Hamon seront décisifs pour ces orientations… »

Mais, d’ores et déjà, la « recomposition » politique future est dans toutes les têtes écologistes, indique-t-il. « Des discussions informelles ont lieu un peu partout, dans le sens d’une ouverture. Mais ça va prendre du temps, l’échec du rassemblement de la gauche à la présidentielle et probablement aux législatives risque d’être tellement cuisant ! »

Pour la suite, il ébauche un scénario possible pour les écologistes : la constitution d’une « fédération » de partis sur la base d’une plateforme théorique commune. « Je ne crois pas que l’on puisse, à ce stade, se passer des organisations politiques. Elles restent les seules en capacité de s’organiser pour les échéances électorales, et les différents appels citoyens n’ont pas réussi à faire bouger les lignes. Même affaiblis comme sont EELV, le PCF – et même une fraction du PS hamoniste qui aurait pris son autonomie –, les partis continueront à jouer un rôle. » Mais une telle approche est rejetée par la France insoumise, où elle est qualifiée de « cuisine d’appareils »

Plus proche de la stratégie de ce dernier mouvement, Élise Lowy, dont le courant reste cependant minoritaire à EELV, propose un rassemblement sur la base d’un projet qui rallierait des sympathisants de la gauche et de l’écologie, « dont les idées, très bonne nouvelle, sont devenues centrales dans le débat ».

À sa manière, Cécile Duflot se verrait bien rebondir après sa défaite à la primaire écologiste en lançant après la présidentielle un mouvement réunissant des écologistes, des socialistes et des communistes, notamment pour contrer une initiative similaire du côté de Manuel Valls. « Cette piste n’est pas celle du parti », commente diplomatiquement Alain Coulombel, qui n’y discerne à ce stade aucune velléité de « dépassement » (sa dissolution). « Si nous voulons que l’écologie politique soit au cœur d’une recomposition, il est même plus que jamais nécessaire qu’EELV tienne son rang, précise-t-il. Après, on verra bien… »