Le procès de Lula attise la colère populaire

L’ex-président brésilien, impliqué dans le scandale Petrobras, a été entendu par le juge anticorruption le 10 mai. Dans un contexte de colère sociale contre le président Temer, ses soutiens dénoncent « une mascarade » visant à le mettre hors jeu de l’élection présidentielle de 2018.

Maïa Courtois  • 11 mai 2017 abonné·es
Le procès de Lula attise la colère populaire
© photo : RICARDO STUCKERT / Instituto LULA / AFP

À l’heure où s’ouvre le procès Lula, la colère gronde dans les couches populaires de la société brésilienne. Elle a éclaté avec force le 28 avril dernier. Transports en commun, postes, banques et écoles ont été paralysées dans tout le pays par une grève générale historique. La mobilisation a donné lieu à des scènes de répression au gaz lacrymogène, d’arrestations d’étudiants et d’affrontements dans le centre de Rio de Janeiro.

D’après les forces syndicales, près de 40 millions de personnes ont répondu ce jour-là à leur appel à protester contre les réformes du code du travail et des retraites du gouvernement de Michel Temer, à la tête du pays depuis la destitution de Dilma Rousseff en août 2016. La politique d’austérité du président conservateur lui fait atteindre des records d’impopularité : il ne bénéficie aujourd’hui que de 10 % d’opinions positives à son égard.

C’est dans ce contexte politique tendu, qualifié de « conflit permanent au sein de la population » par Michel Temer, que l’ex-président Lula a été entendu devant la justice. L’ancien ouvrier métallurgiste, à la tête du pays de 2003 à 2010, fait l’objet de cinq procédures judiciaires. Toutes sont en lien avec le dossier qui éclabousse l’ensemble de la classe politique brésilienne : le scandale Petrobras. Une affaire de trucage systématique des marchés publics par des entreprises du bâtiment, dont le géant pétrolier Petrobras, appartenant à l’État. Lula da Silva est notamment accusé d’avoir reçu plus d’un million d’euros par OAS, une entreprise de BTP, en échange de contrats cédés par Petrobras. Un pot-de-vin sous forme d’un accord de vente avantageux, concernant un appartement en triplex dans la station balnéaire de Guaruja. Lula reconnaît avoir visité l’appartement avec un représentant d’OAS, mais nie avoir conclu l’achat.

Course contre la montre

Malgré les affaires, Lula caracole toujours en tête des intentions de vote pour l’élection présidentielle brésilienne de 2018. L’ex-Président est largement soutenu par les classes populaires, ces électeurs qui, après l’avoir porté au pouvoir, ont été les principaux bénéficiaires de sa politique de réduction des inégalités. Il est en revanche détesté par une large frange des classes moyennes et aisées, qui dénoncent une stratégie politique de victimisation.

L’oligarchie économique du pays n’a pas non plus digéré les années de pouvoir du Parti des travailleurs. Elle veut sa revanche en 2018 avec une victoire du PSDB, parti de la droite brésilienne détenteur des clés du pouvoir économique.

L’obstacle numéro un à ce retour au pouvoir reste Lula. Mais dans le viseur se trouve l’actuel président Michel Temer, également impliqué dans des scandales de corruption, comme au moins huit de ses ministres. Même s’il détricote les acquis sociaux obtenus sous Lula, le président conservateur est loin d’être leur candidat rêvé pour le prochain mandat présidentiel.

Entre les différentes factions politiques, la course contre la montre est engagée. Lula, se sachant encore très populaire, réclame des élections anticipées. Le PSDB, dont plusieurs membres sont eux aussi visés par une enquête, avait un temps envisagé l’hypothèse. L’annonce de la candidature de Lula l’avait obligé à faire marche arrière. Le juge Sergio Moro, en charge de cette opération « Lava Jato » (« Lavage Express ») qui a révélé ce vaste réseau de corruption, laisse pour le moment le PSDB tranquille. Le parti privilégie donc la stratégie judiciaire contre l’ex-président Lula. Si celui-ci est reconnu coupable dans les semaines qui viennent, il se verrait dans l’impossibilité de briguer un nouveau mandat.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…