Badinter et Onfray : la peur du réel

Une bien belle semaine où de grands intellectuels se sont exprimés dans de grands journaux.

Christophe Kantcheff  • 7 juin 2017
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Badinter et Onfray : la peur du réel
© photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

On a vu sa silhouette passer de cités en parkings, de places en abribus. On l’a reconnue au bas des immeubles, ne manquant rien de ce qui s’y trame. J’ai nommé : Élisabeth Badinter, spécialiste autoproclamée de là-où-ça-craint. Elle dit dans Le Point du 1er juin : « Allez mettre une jupe ou une robe dans certains quartiers… » Oui, arborez donc une robe à l’Assemblée nationale, comme Cécile Duflot. Non, je galèje… « Il faut un sacré courage dans certains quartiers pour refuser le voile », poursuit-elle. « Certains quartiers » : la philosophe hausse l’expression au niveau du concept pour mieux désigner l’enfer machiste. « – Tu habites où ? » « – Certains quartiers. » « – Malheureuse, ton sort est scellé ! »

Au contraire, dans le VIe arrondissement, on ne serait pas « persécutée et empêchée par les hommes ». Pourquoi diantre ne sommes-nous pas tous entre gens de bonne compagnie ? « Le cri d’alarme d’Élisabeth Badinter », titre Le Point. En effet, grâce à cet entretien qui pénètre au plus profond de sa pensée, on découvre que ça ne va pas fort. Y aurait-il quelqu’un pour délivrer Élisabeth Badinter des musulmans, ces hordes de violeurs en rut, des néoféministes au discours « victimaire » et des « féministes musulmanes », auxquelles elle accole des guillemets tant l’association des deux mots lui répugne ? « Il n’y a plus d’universalisme, que des “moi d’abord” », se désole-t-elle, version germanopratine de l’adage millénariste de Mme Michu : « Y a plus de jeunesse, que des jeunes voyous. »

Dans la crémerie d’en face, L’Obs, un autre sain d’esprit, Michel Onfray, affirme que Benoît Hamon est « un fasciste de gauche » et que sa victoire à la primaire est due au « bourrage des urnes », avec Hollande en grand ordonnateur. On imagine le philosophe en proie à ces manigances invisibles, le regard troublé par l’anxiété, chuchotant à l’oreille de ses interlocuteurs : « Je n’ai plus confiance. » Son inclination complotiste effraie les journalistes. Mais l’hebdomadaire reste d’une rigueur inflexible face à ces allégations, puisqu’il ne leur accorde que huit malheureuses pages. Voilà une bien belle semaine où de grands intellectuels se sont exprimés dans de grands journaux.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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