Bidonville à Metz : les migrants sur le bitume

Des centaines de demandeurs d’asile dorment à même le sol sur l’avenue de Blida, dans la préfecture de Moselle. Pour la préfecture, il s’agit d’un simple problème de saturation. Mais, pour les associations, ce bidonville met les pouvoirs publics dans l’illégalité.

Maïa Courtois  • 6 juin 2017 abonné·es
Bidonville à Metz : les migrants sur le bitume
© Photo: Eric Graff / Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère

Ils sont environ 350 d’après la direction départementale de cohésion sociale (DDCS) ; 500 selon les associations. Tout le monde s’accorde au moins à dire que la quasi-totalité de ces exilés sont demandeurs d’asile. D’après la loi, jusqu’à ce que la préfecture statue sur leur recours à une protection de la France, les demandeurs d’asile doivent être logés. Pourtant, à Metz, ils dorment sur un parking, avenue de Blida. Juste en face d’une usine de traitement des déchets. « Tout un symbole », ironise Chantal Duez-Muszynski, du Collectif mosellan de lutte contre la misère.

Les associations viennent de remporter une petite victoire face à Adoma, l’organisme gestionnaire du camp, mandaté par la mairie et la préfecture. Adoma exigeait le retrait des auvents que certains demandeurs d’asile avaient dressés pour se protéger du soleil, dans cette ville où les températures avoisinent parfois les 30°C. « C’était pour des questions de sécurité, pour éviter les risques d’incendies », justifie la DDCS. Pour le Collectif mosellan de lutte contre la misère, il s’agit surtout d’une volonté de décourager les nouvelles installations. Et de garder le contrôle sur l’espace, « comme lorsque des blocs de pierre avaient été déposés avenue Blida » – un dispositif similaire à celui auquel avait recouru la mairie de Paris.

© Politis

D’après Chantal Duez-Muszynski, si question de sécurité il y a, elle concerne avant tout « le danger sanitaire ». Aucun abri solide n’a été construit. Femmes enceintes, hommes seuls, familles, enfants et personnes malades vivent dans une grande promiscuité sous des tentes fournies par Médecins du monde et la Fondation Abbé-Pierre. Elles sont parfois agrémentées de matelas, le plus souvent de simples palettes en bois. « Tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour, les pompiers viennent sur le bidonville, pour des cas de malaises ou autres », raconte la retraitée.

Du côté des autorités préfectorales, on souligne la mise en place de trois blocs sanitaires, d’un accès à des points d’eau et de recharges électriques, ainsi que d’une cuisine collective. « Pour 500 personnes, on a six douches, six WC, trois cuisinières dont deux seulement sont fonctionnelles », détaille Chantal Duez-Muszynski. Un grand réseau de citoyens solidaires et d’associations comme Street Petit Déj’ ou encore le Soleil de Blida s’activent sur le site, pour tenter de pallier l’urgence humanitaire.

© Politis

« Cela fait quelques années que l’on fait face à cette situation », déplore Anoutchka Chabeau de la DDCS. « Cette année, entre janvier et fin mai, 1 968 personnes sont arrivées. Elles viennent principalement des Balkans, et il y a beaucoup de familles. » Dans le département, les Cada (dispositif national de centres d’accueil pour demandeurs d’asile) sont saturés, et les places s’y libèrent au compte-goutte. La DDCS recourt donc à la « transformation de bâtiments administratifs, des casernes par exemple», et demande, au niveau national, une augmentation du nombre de places en Cada.

Mais Anoutchka Chabeau décrit aussi l’autre pan stratégique de la préfecture : « renforcer les processus de réadmission Dublin ». Autrement dit, multiplier les renvois des personnes dans le premier pays où elles ont laissé leurs empreintes : c’est ce que prévoit le règlement Dublin, largement décrié par les associations. La DDCS et la préfecture estiment à environ 20 % le nombre de « dublinés » parmi les exilés de l’avenue de Blida : la plupart ayant laissé, souvent contre leur gré, leurs empreintes en Allemagne.

« Débordement je veux bien, mais à Metz, il y a 7 600 logements vides », argue Chantal Duez-Muszynski. Son collectif mène chaque samedi une action pour inciter les autorités à réquisitionner ces logements : la loi l’autorise dans les cas d’urgence.

La préfecture et la DDCS affirment souhaiter que ce campement « soit le plus provisoire possible ». Mais la bénévole du Collectif mosellan de lutte contre la misère, elle, s’indigne d’une autre réalité : « Adoma, Médecins du monde et la Fondation Abbé-Pierre sont actuellement en train de négocier avec la municipalité l’agrandissement du parking. Agrandir le parking ! Au lieu de se battre pour un logement digne pour tous… » La retraitée moque alors le slogan d’Adoma, « L’insertion par le logement » : aujourd’hui, dans sa ville de Metz, c’est plutôt : « La vie sur le bitume, sous le soleil ».

Société
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