Le bouddhisme dans le sang

Avec Le Vénérable W., Barbet Schroeder clôt sa trilogie sur le mal.

Christophe Kantcheff  • 7 juin 2017 abonné·es
Le bouddhisme dans le sang
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Un bouddhisme violent. Voilà bien un oxymore. C’est pourtant ce que montre Barbet Schroeder à propos d’une religion à ses yeux « athée, sans dieux, qui permet le pessimisme » et profondément pacifiste. Direction la Birmanie, où sévit un moine extrémiste, Wirathu. Après Général Amin Dada : Autoportrait (1974) et L’Avocat de la terreur (2007), sur Jacques Vergès, Le Vénérable W. clôt sa trilogie sur le mal.

Wirathu est un nationaliste disséminateur de haine. Sa cible : les musulmans – les « kalars », un terme extrêmement dépréciateur –, plus particulièrement la minorité des Rohingyas. À force de discours et de propagande sur Internet et par DVD – l’ensemble étant payé par des mannes inconnues –, Wirathu a réussi à se tailler une place de leader révéré tout en déclenchant des exactions contre les Rohingyas. L’armée, si puissante en Birmanie, pouvant être tenue pour une alliée objective.

Comme pour les deux films précédents de cette trilogie, Barbet Schroeder a rencontré son protagoniste. Wirathu prononce ses paroles vénéneuses, totalement irrationnelles, avec la componction du sage. Le cinéaste les a fractionnées en de nombreuses et brèves séquences, pour offrir d’autres points de vue et en dresser une critique méthodique. Il donne ainsi la parole à deux moines opposés à Wirathu, à des journalistes rétablissant les faits, à un représentant de la minorité des Rohingyas.

Barbet Schroeder a pu puiser dans une mine impressionnante d’archives témoignant de l’ascension de Wirathu, ainsi que des violences déclenchées la plupart du temps au lendemain d’une campagne islamophobe. Avec un souci pédagogique bienvenu, Le Vénérable W. alerte sur la situation des Rohingyas, au bord du génocide, et atteste de l’arme redoutable que peut devenir une religion pervertie.

Cinéma
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