« Made in France » : l’arnaque qui envahit la grande distribution

Le drapeau tricolore ornant conserves et produits alimentaires dissimule souvent d’autres provenances. Mais les États généraux de l’alimentation ignorent cette pratique.

Claude-Marie Vadrot  • 23 juillet 2017
Partager :
« Made in France » : l’arnaque qui envahit la grande distribution
© photo : FRED TANNEAU / AFP

Tout en déployant de plus en plus de cartes tricolores et de « made in France » sur leurs emballages et dans leurs gondoles, les super et hypermarchés, tout comme les industriels de la bouffe, rivalisent d’astuce pour dissimuler les tromperies sur les produits proposés aux consommateurs. Il s’agit pourtant un délit puni par la loi sur la consommation du 1er août 1905 (modifiée en 1993), qui prévoit de grosses amendes voire de la prison pour toute tromperie « sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ».

Comme le diable se cache toujours dans les détails, le consommateur qui veut comprendre doit chercher, sur les emballages, les étiquettes rédigées en lettres minuscules, souvent en orange sur un fond rouge, pour découvrir la réalité de ce « made in France ». La première méfiance commence avec les mentions, en bien plus gros caractères, « Cuisiné en France », « Fabriqué en France » ou « Élaboré en France ». Ces indications (légales !) ne signalent que le lieu d’installation de l’usine, mais permettent de dissimuler que les produits composant le plat cuisiné, les gâteaux ou la conserve sont tous ou partiellement de provenances plus ou moins lointaines. 

Comme ce « cassoulet toulousain » de Carrefour sur la boîte duquel, avec d’excellentes lunettes ou une loupe, il est possible de déchiffrer « porcs origine UE » complété par la mystérieuse formule « et autres ingrédients de diverses origines ». Une formulation aussi hypocrite que celle du « Parmentier de canard » Tino qui, loin de la proclamation « cuisiné dans le Sud-Ouest » indique que la viande provient de « divers pays de l’UE ». Sans autres précisions. Tant pis pour ceux qui ne devineront pas que cela signifie qu’elle est originaire de l’un ou de plusieurs des 28 pays de l’Union européenne. Même imprécision pour la « terrine de canard au poivre vert » de la marque de distributeur de Carrefour.

L’indication géographique protégée est une farce

Les obligations légales de l’« indication géographique protégée » (IGP), garantissant (théoriquement) la provenance d’une région, sont souvent détournées selon le même principe puisqu’il suffit qu’un jambon soit salé dans la région de Bayonne pour que le porc d’origine provenant des élevages industriels de Bretagne soit « naturalisé » bayonnais. Le même procédé détourne la provenance de la viande de salaison de Lyon ou plus systématiquement encore les charcuteries corses. Bien entendu, ces détournements pénalisent les ateliers artisanaux et les paysans qui voient les produits industriels mal identifiés supplanter les rares élevages de qualité, sans que le consommateur en soit conscient. Qui, autre exemple, peut savoir que seul un camembert DE Normandie est authentique et au lait cru alors que la mention « fabriqué en Normandie » n’offre aucune garantie et peut avoir été élaboré avec du lait en poudre venu de n’importe où ?

Mystérieux ingrédients

Les madeleines pur beurre de la marque de distributeur Auchan arborent un drapeau tricolore mais un astérisque discret renvoie à la mention « produit fabriqué à partir d’ingrédients d’origine France et hors de France ». Le consommateur, comme pour d’autres aliments, n’en saura pas plus. Comme pour les haricots lingots aux saucisses de Toulouse de marque Larnaudie, dont la viande, qui représente 18 % du poids total (autre tromperie), est signalée comme « origine UE ». Aussi trompeur que des escargots de Bourgogne dont on découvre en caractères minuscules qu’il s’agit de Helix lucorum dont le consommateur ignorera en général qu’il s’agit d’un gastéropode que l’on ne trouve qu’en Turquie et en Bulgarie…

Avertissement de l’association Foodwatch

Dans un communiqué publié il y a quelques jours, l’association Foodwatch a épinglé quelques-unes de ces arnaques classiques en signalant que les cornichons Charles Christ « conditionnés dans le Loir-et-Cher et cueillis à la main » venaient en fait d’Inde.

De gondole en gondole, en examinant les produits estampillés France, souvent avec un drapeau tricolore, on découvre que des centaines de boîtes et d’emballages trompent les consommateurs. Mais il ne semble pas que les États généraux de l’alimentation, qui ont commencé la semaine dernière et se prolongeront jusqu’à la fin de l’année, aient prévu de mettre de l’ordre dans les procédés et les étiquettes. Elles semblent simplement s’intéresser aux moyens d’organiser les rapports entre les grandes coopératives agricoles, la grande distribution et les industriels de l’alimentation. Lesquels s’alarment de voir un nombre grandissant de consommateurs se passer de leurs intermédiaires et en accusent un étiquetage trop contraignant !

PS : Et le long des routes des vacances, il faut aussi se méfier des étals de fruits et de légumes « en direct de la ferme » qui proviennent en fait des marchés de gros et des importations. Un chapeau de paille ne suffit pas à faire le paysan… mais permet d’exploiter des vendeurs qui n’ont pas le choix.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don