À Toulouse, place à la danse !

Toulouse donne un nouveau souffle à son centre chorégraphique et crée une journée de manifestations gratuites en plein air.

Jérôme Provençal  • 20 septembre 2017 abonné·es
À Toulouse, place à la danse !
© photo : Lisa Rastl

En 1995, à une époque d’une particulière effervescence dans le domaine de la danse, un Centre de développement chorégraphique (CDC) voit le jour à Toulouse. Premier du genre, il va servir de modèle et ouvrir la voie à d’autres : on en compte aujourd’hui douze, répartis sur l’ensemble du territoire et regroupés au sein d’une association, l’A-CDC, créée en 2010.

Le centre de Toulouse reste aujourd’hui emblématique, d’autant plus qu’il a été dirigé pendant vingt ans par Annie Bozzini, activiste exigeante et passionnée, militant en faveur de la danse depuis le début des années 1980. En 2015, lasse du manque de soutien de la municipalité (en particulier quant à l’obtention d’un nouveau lieu plus grand et mieux adapté aux besoins de la structure), Annie Bozzini donne sa démission.

Forte d’une longue expérience de programmatrice des arts vivants au sein du Lieu unique à Nantes, Corinne Gaillard prend sa succession en avril 2016 avec l’ambition de donner une nouvelle impulsion à la structure, en binôme avec le chorégraphe toulousain Pierre Rigal, qui assume le rôle d’artiste en mission pour le CDC.

Tout récemment, en juillet dernier, le label CDC s’est transformé en CDCN (Centre de développement chorégraphique national), gage supplémentaire de reconnaissance de la part de l’État vis-à-vis de ces lieux en prise directe avec la réalité de la pratique chorégraphique.

« Cette légitimation est importante, avance Corinne Gaillard, mais elle ne change rien sur le fond. Nos missions restent identiques : production/diffusion, aide à l’émergence, éducation artistique et culturelle, action culturelle, formation. Il ne s’agit certainement pas d’appliquer un programme préétabli qui viendrait de Paris. Selon moi, il est essentiel de penser les projets à partir de l’endroit où l’on se trouve. »

Pour bien marquer l’entrée dans une nouvelle ère, Corinne Gaillard et Pierre Rigal ont tenu à donner un nouveau nom à la structure, la rebaptisant La Place de la danse. « Je crois que les sigles ont fait leur temps, sourit Corinne Gaillard. “CDC”, ça n’évoque rien à beaucoup de monde. Il était vraiment important, pour Pierre Rigal et moi, de trouver un nouveau nom plus explicite, indiquant clairement de quoi il s’agit. En outre, le nom La Place de la danse peut être entendu de plusieurs manières – le lieu de la danse, l’espace donné à la danse… – et nous conduire à nous interroger sur la place qu’occupe la danse en nous. »

Symbolique, ce changement de nom n’est pas anecdotique : il traduit aussi le désir d’aller à la rencontre du public en renforçant le lien déjà existant. « Notre rôle consiste en partie à développer le public, rappelle Corinne Gaillard. Un changement de nom ne suffira évidemment pas à attirer un public plus nombreux, mais il permet au moins de rendre la structure et son action plus identifiables. Cela exprime notre volonté de nous ouvrir le plus possible. »

Chaque CDCN développe un projet singulier avec des moyens propres, en dialogue étroit avec les collectivités territoriales dont il dépend. Parmi les différentes missions qui incombent à La Place de la danse, la formation revêt une importance particulière, le lieu étant le seul à prodiguer une formation professionnelle en danse contemporaine – intitulée Extensions – dans le Grand Sud-Ouest.

De manière générale, un travail en profondeur est effectué au niveau pédagogique, notamment avec la mise en circulation de « mallettes pédagogiques » (outils multimédias portant sur la danse et son histoire) et la présentation de spectacles jeune public ou visibles en famille – un travail crucial aux yeux de Corinne Gaillard.

« La danse, sous de multiples formes, est présente partout. Pourtant, contrairement au théâtre et à la musique, elle n’existe pas à l’école. Or, il me semble très important qu’elle y trouve aussi sa place, sur le plan théorique comme sur le plan pratique. Il y a plein d’entrées possibles pour intéresser les jeunes et les amener ensuite vers des questionnements d’ordre social ou politique, car la place de la danse – ou du corps – dans l’espace commun est une question très politique. »

La Place de la danse s’attache aussi à s’ancrer dans la cité, en tâchant en particulier d’établir des liens avec les habitants des quartiers situés à l’ouest de Toulouse, près de là où elle se trouve actuellement (quartier Saint-Cyprien). À l’horizon se profile l’obtention possible d’un nouveau lieu plus vaste, qui serait partagé avec la section danse de l’Institut supérieur des arts de Toulouse (IsdaT) et apparaîtrait comme un véritable pôle de la danse à Toulouse.

« Rien n’est encore acquis avec certitude, souligne Corinne Gaillard, mais notre souhait d’obtenir un autre lieu a été entendu par la municipalité, et les choses avancent plutôt bien. »

En attendant de disposer de ce lieu plus adapté, La Place de la danse s’empare de l’espace public toulousain via le Jour de la danse. Organisé le 30 septembre, cet événement gratuit et en plein air vise à lancer la nouvelle saison mais aussi – et surtout – à transfigurer la ville par la danse.

Plusieurs propositions insolites vont ainsi jalonner ce jour spécial, parmi lesquelles Walking the Line, performance déambulatoire et collective conçue par Benjamin Vandewalle, et Bodies in Urban Spaces, appropriation acrobatique et poétique de l’espace urbain orchestrée par le chorégraphe autrichien Willi Dorner. Une façon stimulante de mettre la danse à la portée de tous.

Le Jour de la danse, le 30 septembre à Toulouse.

La Place de la danse, 5, av. Étienne-Billières, Toulouse, 05 61 59 98 78, laplacedeladanse.com

Politique culturelle
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