« Le Jeune Karl Marx », de Raoul Peck : Capitale jeunesse

Le Jeune Karl Marx, de Raoul Peck, raconte les années où le philosophe affirme sa pensée.

Christophe Kantcheff  • 27 septembre 2017 abonné·es
« Le Jeune Karl Marx », de Raoul Peck : Capitale jeunesse
© photo : Kris Dewitte

Marx » : comment appréhender ce monument au cinéma ? Avant, justement, qu’il ne prenne une dimension gigantesque : dans sa jeunesse. C’est la bonne idée de Raoul Peck, dont Le Jeune Karl Marx sort quelques mois après le marquant I Am Not Your Negro.

Karl Marx (August Diehl) a 25 ans en 1843. Arrivé de Cologne, il s’est installé à Paris avec sa femme, Jenny (Vicky Krieps). Ils tirent le diable par la queue, Jenny a rompu avec sa famille d’aristocrates, tandis que Karl cherche à placer quelques textes. Ils sont libres et amoureux.

C’est d’abord l’histoire de ce beau couple, solidaire, égalitaire, qui se lie d’amitié avec un autre jeune homme, débarquant, lui, d’Angleterre : Friedrich Engels (Stefan Konarske), fils de grand patron et épris d’une ouvrière irlandaise. Entre eux, la parole et la pensée sont partagées, vives et audacieuses.

De la jeunesse, Karl Marx a la fougue et l’intransigeance, mais celles-ci ne sont jamais gratuites. Elles reposent sur une exigence conceptuelle et une rigueur de l’argumentation. Sur le conseil d’Engels, Marx, qui a déjà passé au crible de la critique la philosophie hégélienne et l’idéalisme allemand, intègre les textes fondateurs de la science économique. Sa pensée, déjà dangereuse pour l’ordre établi, devient une épouvantable mécanique subversive pour les régimes en place, en l’occurrence celui de Louis-Philippe. Karl et Jenny (et leur bébé) sont expulsés et se réfugient à Bruxelles. Le film met en exergue cet aspect du futur auteur du Capital : son courage pour affronter la censure et la répression.

Marx se bat aussi contre l’imprécision des concepts et, plus largement, ce qu’il appelle « l’ignorance ». C’est pourquoi il n’est pas tendre avec Proudhon (Olivier Gourmet). Raoul Peck a choisi de développer cette controverse, qui n’exclut pas des rapprochements et un respect mutuel, parce qu’elle est symptomatique du Marx en train de se constituer. À Philosophie de la misère, ouvrage de Proudhon, il répond par un cinglant Misère de la philosophie ; et, face à l’à-peu-près de l’idéalisme, il réussit à imposer l’idée de lutte des classes et publie Le Manifeste du parti communiste.

De facture classique, le film a de l’allant, même si le comédien interprétant Marx paraît beaucoup plus âgé que son personnage. Le Jeune Karl Marx parvient surtout à restituer sans sécheresse la vitalité des débats, et à rendre passionnante l’affirmation d’une pensée révolutionnaire, à travers le portrait d’un homme usant avec vigueur de sa force de conviction.

Le Jeune Karl Marx, Raoul Peck, 1 h 58.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes