Il n’est pire sourd que celui…

C’est BHL qui ne s’est pas renseigné sur le sort des Rohingyas.

Sébastien Fontenelle  • 4 octobre 2017 abonné·es
Il n’est pire sourd que celui…
© Photo : PHILIPPE LOPEZ / AFP

Dans le dernier numéro de l’hebdomadaire de droite Le Point, où il tient toutes les semaines son bloc-notes, le fameux philosophe médiatique Bernard-Henri Lévy (aka BHL), qui réclamait naguère « un deuxième prix Nobel » pour « Aung San Suu Kyi, la Dame de Rangoun » [1], entretient son lectorat du sinistre supplice des Rohingyas – ces musulman-e-s de Birmanie qui endurent depuis de longues années une abjecte persécution.

Il écrit : « Un artiste, comme souvent, nous avait alertés. Il s’appelle Barbet Schroeder. Il l’a fait à travers un beau film grave, Le Vénérable W […]_, qui montrait l’autre visage (raciste, fasciste, d’une violence à couper le souffle et les têtes…) d’un bouddhisme universellement perçu comme le prototype de la religion d’amour, de concorde et de paix. »_

Il ajoute qu’il se rappelle – sans préciser à quelle date elle a été diffusée, et comme si cela, par conséquent, remontait à un passé déjà ancien – avoir vu une émission de télévision où ce « réalisateur annonçait, avec une assurance qui fait rétrospectivement froid dans le dos, que la minorité musulmane de l’ouest de la Birmanie, les Rohingyas, était dans le collimateur du “Vénérable” ».

Il rajoute : « Il suffisait de se renseigner pour savoir quelle était cette minorité Rohingya, une communauté martyre, apatride dans son propre pays, affamée quand cela chante aux militaires qui tyrannisent le pays depuis plus d’un demi-siècle, pogromisée quand ils en ont assez de l’affamer. »

Il conclut, désolé : « Seulement voilà. On ne s’est pas renseignés. On n’a écouté ni le cinéaste ni les quelques journalistes qui, depuis des années, criaient dans le désert. Et, là, nous y sommes. […] On est face à une situation qui rappelle la purification ethnique en Bosnie, ou, pis, les massacres au Rwanda. »

Bernard-Henri Lévy, donc, nous prend ici pour des imbéciles.

Car en vérité : c’est lui – et non pas ce « on » où se dilue son indifférence – qui ne s’est pas renseigné. Lui, qui n’a pas écouté celles et ceux, bien plus nombreux qu’il ne le laisse entendre, qui rapportent depuis des années les atrocités infligées aux Rohingyas – dont l’ONU a depuis longtemps établi qu’ils étaient « la minorité la plus persécutée du monde ».

Au reste, même après avoir entendu Barbet Schroeder dénoncer à son tour ces exactions dans l’émission, diffusée le 9 juin dernier, qu’il évoque cette semaine, BHL n’avait aucunement considéré qu’il était urgent qu’il s’en émeuve publiquement, comme il le fait si régulièrement lorsqu’il donne son avis sur la Libye, ou sur la nécessité de se défier des Palestinien(ne)s – dont le sort n’est guère plus enviable que celui des Rohingyas. Dans les jours qui avaient suivi, il avait plutôt consacré son bloc-notes à de pointus commentaires sur l’élection d’Emmanuel Macron, pour expliquer notamment que « le peuple est toujours un artefact » : parole d’expert, assurément.

[1] Revenu de cet enthousiasme, BHL, désormais, « signale au passage [mais sans grand espoir, hélas, que cela aboutisse…] la pétition réclamant que lui soit retiré le prix Nobel qu’on lui aurait donné plutôt deux fois qu’une au temps où elle semblait la réincarnation en un seul corps de Mandela, de Gandhi et du dalaï-lama ».

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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