COP 23 : la mauvaise farce de la présidence fidjienne

Pour se donner bonne conscience, les grands pollueurs de la planète ont porté la république des Fidji à la tête de la conférence sur le climat. La seule nation qui, bien que touchée, a décidé d’en aider une autre encore plus menacée.

Claude-Marie Vadrot  • 6 novembre 2017
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COP 23 : la mauvaise farce de la présidence fidjienne
Photo : Frank Bainimarama, premier ministre fidjien et président de la COP 23, le 6 novembre à Bonn.
© SEAN GALLUP / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES/AFP

Pour tenter de faire croire qu’ils se préoccupent des petites nations particulièrement menacées par les dérèglements climatiques , les grands pollueurs, que l’on désigne parfois par « la communauté internationale », ont porté la république des Fidji à la présidence de la 23e conférence climatique de l’ONU, qui se réunit cependant en Allemagne (à Bonn) à partir d’aujourd’hui. Explication officielle : ce pays n’a ni les moyens ni la capacité d’accueil pour une telle conférence. Il y avait pourtant de la place dans un pays qui reçoit 600 000 touristes pas an.

Ce tour de passe-passe diplomatique et politique permettra aux « Grands », ceux qui veulent en faire le moins possible, de parler de « choses sérieuses » face à la petite délégation des îles Fidji, qui clame depuis des années que leur avenir est menacé. On restera donc dans les choses « sérieuses » et on ne s’attardera qu’en discours compassionnel sur le sort des Fidji et de la quarantaine de pays menacés de disparition ou de graves crises économiques et sociales liées à au changement climatique – dans lequel ils ne portent aucune responsabilité.

Villages déplacés

Les 898 000 Fidjiens, soit mélanésiens, soit originaires d’Inde d’où le colonisateur britannique les a déportés au XIXe siècle comme main-d’œuvre bon marché, vivent essentiellement sur deux îles – 300 autres sont désertes ou faiblement habitées.

À première vue, comme ils possèdent des montagnes dont la plus haute culmine à 1 300 mètres, ils ne semblent pas menacés d’être engloutis prochainement par la mer comme, par exemple la grande plaine méridionale du Bangladesh où les îles Maldives. Cependant, la plupart des villages, à l’origine habités par des pêcheurs, sont majoritairement en bord de mer, ce qui pose de sérieux problèmes dans une région où la mer monte d’au moins 6 mm par an. Rattrapés par les eaux, certains villages ont déjà dû être reculés trois ou quatre fois vers l’intérieur. Et c’est encore pire lors des ouragans comme Winston, dont la force 5, le 20 février 2016, a tout dévasté, détruit des milliers de maisons et entraîné la mort de 45 personnes. Sans oublier le déplacement de 55 000 habitants dont certains vivent encore sous des tentes.

Terres salées

Autre conséquence des tempêtes plus ou moins fortes et des marées exceptionnelles qui rongent le trait de côte : le passage ou la stagnation plus ou moins longue des eaux marines salent les jardins et cultures de milliers de familles. Il leur devient impossible de cultiver alors que l’équilibre économique et souvent la survie d’une partie des Fidjiens reposent sur l’agriculture de subsistance. Les digues et barrage construits sur les plages ne résistent pas longtemps à l’élévation de la mer. De plus, ces inondations à répétition affectent progressivement les ressources souterraines en eau potable.

Pourtant, malgré ces malheurs et un avenir immédiat incertain, le gouvernement de la république des Fidji a porté secours aux habitants de la république de Kiribati, une autre nation du Pacifique encore plus menacée, puisque l’essentiel de son territoire « culmine » à 2 ou 3 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les agriculteurs de Kiribati, pays de 110 000 habitants, appelaient depuis des années au secours face à la salinisation de leurs terres. Un seul gouvernement leur a répondu : celui des îles Fidji, qui leur a loué une zone de montagne de 20 kilomètres carrés. Les paysans de Kiribati vont pouvoir venir s’installer sur cet espace et y cultiver des terres pour nourrir leurs compatriotes, ce qu’ils ne peuvent plus faire dans leurs champs inondés. Nul ne peut leur dire si cet exil sera provisoire et si la mer cessera un jour de monter…

Écologie
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