« Diane a les épaules », de Fabien Gorgeart : Rondement mené

Dans son premier long métrage, Diane a les épaules, Fabien Gorgeart filme une jeune femme seule qui porte l’enfant d’un couple d’amis.

Ingrid Merckx  • 15 novembre 2017 abonné·es
« Diane a les épaules », de Fabien Gorgeart : Rondement mené
© photo : Petit Film

Ils se sont mis d’accord avant que le film commence. Notamment sur le fait qu’ils ne demanderaient pas le sexe. Mais c’est la première échographie, et Jacques hésite. Thomas préfère la surprise. « Moi j’m’en fous, les gars, c’est vous qui voyez », commente Diane, allongée sur la table d’examen, le bas du ventre brillant de gel. Assis près d’elle, Thomas fixe le téléviseur, ému. Jacques, debout, est légèrement hors cadre. Diane regarde ailleurs.

« Porter un enfant et attendre un enfant, c’est pas pareil ! », lâche-t-elle plus tard à Fabrizio, l’électricien qui s’est entiché d’elle. Suit un temps d’arrêt. Diane va-t-elle développer ? Mais non, ce troisième homme à suivre sa grossesse ne sera pas un interlocuteur, ni même un miroir. Juste un faire-valoir. « C’est quand même facile, pour eux ! », se permet-il un soir, troublé, en regardant un film sur un nouveau-né qui va être séparé de sa mère. « J’en ai rien à foutre de c’que tu penses ! », le coupe Diane, tuant dans l’œuf toute tentative de dialogue sur ce qui peut se passer en elle, et entre eux quatre.

Fabien Gorgeart, dont c’est le premier long métrage, mise tout sur la suggestion : tout au plus laisse-t-il deviner que cette jeune femme, serveuse, ne fait « pas grand-chose de sa vie », et qu’en portant cet enfant pour son ami d’enfance elle doit avoir le sentiment d’accomplir – enfin ? – un acte important. Diane prend son rôle très à cœur. Et son amitié pour Thomas est peut-être la part la plus douce de cette comédie un peu amère. Car la jeune femme est plutôt du genre cassant – ou sinon elle minaude.

Sa deuxième mission, pendant cette période de parenthèse : rafraîchir la maison de ses grands-parents. Une symbolique sur la filiation ? Fabien Gorgeart campe sa maternante dans un nid bucolique en chantier pendant cinq mois d’été gestationnel toujours bleus. Ce qui lui permet de contempler son sujet, ses nausées, ses travaux, ses siestes, ses casse-dalle nocturnes et son ventre qui s’arrondit. Écrin de verdure, brouettes de cailloux, piscine filant la métaphore placentaire… Le cinéaste enchaîne les tableaux sans percer le mystère de ce ventre qui finit par faire écran.

Diane a les épaules n’est pas complètement un film sur la GPA, et à peine sur ses implications émotionnelles. Le réalisateur fait tout pour éviter les discours. Jusqu’à opter pour une facilité : couper sa mère porteuse de toute vie sociale. Elle ne travaille pas (déjà en congé maternité ?). Elle n’a pas d’amis (une vague copine avec qui elle va en boîte en ouverture et en clôture), elle ne croise aucun jeune parent ni femme enceinte (exit la confrontation avec d’autres maternités), et ses parents ne veulent pas la voir enceinte (exit les relations familiales). À aucun moment la question de la légalité n’est posée. Diane a les épaules est d’abord un portrait de femme, seule.

Clotilde Hesme hésite entre densité et désinvolture, forçant le côté camionneuse hypersexualisée. Fabien Gorgeart la regarde avec une tendresse communicative. Son couple d’amis homos (Thomas Suire et Grégory Montel) est d’une belle justesse. Mais son compagnon de circonstance (Fabrizio Rongione), moins immature affectivement, est cantonné au rôle d’intrus. À moins qu’il n’incarne l’extérieur de ce couple à trois : les autres, la société, sa vie à elle ? Hors du monde, hors du temps, le soleil chauffe et les herbes restent hautes dans ce film qui en devient presque un conte sur l’attachement et le détachement.

Diane a les épaules, Fabien Gorgeart, 1 h 27.

Cinéma
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