Les réfugiés climatiques éternels oubliés des conférences

Les dizaines de millions de victimes du réchauffement n’ont toujours pas de statut et de protection.

Claude-Marie Vadrot  • 11 décembre 2017
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Les réfugiés climatiques éternels oubliés des conférences
© photo : MARCO PANZETTI / NURPHOTO

Réunis à Paris de façon éphémère pour les besoins de communication du gouvernement français, de nombreux chefs d’État et de gouvernement se penchent le mardi 12 décembre sur le Fonds vert et sur les moyens financiers que la communauté internationale peine à mettre en place depuis la conférence climatique de 2009 à Copenhague.

Mais depuis cette COP, la quinzième, les ministres et responsables gouvernementaux évitent d’évoquer la question lancinante des réfugiés climatiques, ces hommes et ces femmes contraints de s’exiler parce que la mer les rattrape comme au Bangladesh ou aux îles Fidji, et même dans des îles du sud des États-Unis. Ou bien parce que, envahis par le sable et frappés par la sécheresse, comme en Afrique sahélienne, ou par les inondations, comme en Inde, ils sont contraints de fuir vers les grandes villes ou d’autres pays, en abandonnant les cultures traditionnelles dont ils vivaient tant bien que mal depuis des siècles, et en grossissant démesurément les bidonvilles des nations en développement.

26 millions de réfugiés en 2016

À en croire le rapport publié au mois de novembre par l’ONG internationale Oxfam, ils auraient été 26 millions, rien qu’en 2016, à fuir leurs villages et leurs activités agricoles ou pastorales. Chaque année, davantage de personnes doivent quitter leurs lieux de vie pour tenter de trouver ailleurs le moyen de survivre aux changements climatiques. Ils seraient déjà près de 150 millions dans le monde et, d’après les Nations unies, les prévisions sont de 250 millions en 2050.

Ces chiffres officiels se trouvent déjà, pour 2017, largement dépassés, car la réalité montre que même après les ouragans, ils reviennent rarement dans leurs espaces ruraux. Et pour ceux qui sont poussés à l’exil par les sécheresses, il n’y a jamais de possibilité de retour puisque leurs terres, comme en Éthiopie, au Tchad ou dans le Darfour ne peuvent pas retrouver leur fertilité.

L’espoir d’une solution est mince

Il paraît, car ce n’est pas le moins du monde le sujet de la réunion de Paris, que les Nations unies devraient se préoccuper de leur sort… en septembre 2018, au cours de leur assemblée générale. Mais l’espoir d’une solution est mince car, depuis des années, pour la communauté internationale, ils ne sont pas des « réfugiés » mais des « déplacés ».

Contrairement aux familles poussées à l’exil par des guerres ou des conflits armés internes, ils ne peuvent pas bénéficier du statut de réfugiés pris en charge, dans des camps ou par un statut, par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), créé en 1949. Cette agence de l’ONU leur assure tant bien que mal une aide alimentaire dispensée dans les camps où ils sont protégés. Rien de semblable pour ceux que les aléas climatiques forcent à s’exiler. Les COP se sont toujours refusées à leur trouver ou même à leur chercher un statut, alors que la communauté internationale, par son attentisme à trouver des solutions au dérèglement climatique, porte l’entière responsabilité de leurs errances.

La seule préoccupation de la cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement brièvement à Paris paraît être de trouver suffisamment d’argent pour permettre aux entreprises des pays industrialisés de participer, avec le Fonds vert et les obligations vertes, dont la réalité peine à émerger, pour augmenter leurs profits tirés de l’équipement des pays du Sud sommés de lutter contre un réchauffement dont ils ne sont ni responsables ni coupables…

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