Comment la grande distribution veut écraser les prix

Trois chaînes de supermarchés viennent de créer une gigantesque centrale d’achats. Les agriculteurs en seront les premières victimes.

Claude-Marie Vadrot  • 10 avril 2018
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Comment la grande distribution veut écraser les prix
© Photo : Patrick Lefevre / BELGA MAG / BELGA

En réponse aux promesses faites pendant les Assises de l’alimentation qui n’ont abouti à aucun engagement concret, les principales enseignes de la grande distribution viennent de franchir un nouveau pas. Pour mieux « écraser » les prix et donc pour augmenter leurs pressions sur les industriels de la bouffe, les PME et les agriculteurs, trois chaînes de supermarché ont mis au point une nouvelle plateforme commune pour tous leurs achats en France et à l’étranger.

Casino, Auchan et Système U représenteront donc, alliés avec Metro, une puissance d’achats de 150 milliards d’euros de produits alimentaires et non alimentaires. Ces trois géants qui ont décidé d’ignorer les rares acquis des Assises de l’alimentation organisés l’automne dernier, constitueront la deuxième centrale d’achat du monde et largement la première en France. De quoi peser encore plus efficacement sur les prix, imposer que leurs marges ne soient pas changées et que toute (hypothétique) baisse de leurs prix soit supportée par leurs fournisseurs. Tout refus de se plier aux diktats de cette nouvelle puissance se traduira par des déréférencements lors des négociations sur les prix d’achat. Et donc à une disparition des gondoles.

Les paysans menacés

Les agriculteurs seront les premiers à en souffrir et la promesse faite qu’ils pourraient vendre le fruit de leur travail à un prix raisonnablement rémunérateur restera lettre morte. Le regroupement va d’abord les mettre à la merci de la grande distribution, mais elle risque aussi de mettre en difficultés les petites et moyennes entreprises du secteur alimentaire. Ce qui devrait faciliter leurs rachats par les grands industriels de la malbouffe qui en rêvent et le pratiquent depuis des années. En transformant la qualité des produits connus et en prenant la précaution de ne pas les « débaptiser » comme le fait par exemple Lactel pour les fromages et beaucoup d’autres dans le domaine des charcuteries dont ils conservent les noms traditionnels tout en modifiant les produits.

En annonçant leur alliance qui sera probablement rejointe par d’autres distributeurs, ils ont expliqué vouloir installer « un ensemble respectueux de l’intérêt de tous, consommateurs, agriculteurs et industriels ». Un air connu mais qui masque une réalité inquiétante pour les consommateurs et les paysans : la grande distribution vient de s’allier aux industries de la bouffe pour tenir captif un énorme gâteau.

Il est vraiment temps de se précipiter sur les marchés locaux ou dans les fermes pour aider les agriculteurs et les artisans de l’alimentation à résister.

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