Des paroles et des actes

Au Québec, les débats sur l’islam ont permis aux néonazis de prospérer.

Sébastien Fontenelle  • 27 juin 2018 abonné·es
Des paroles et des actes
© photo : Erick GARIN / CrowdSpark / AFP

Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes, a déclaré ce 24 juin dans le Journal du dimanche : « Il faut que la politique migratoire change radicalement de posture et rompe avec la naïveté qui a conduit, en Europe, à cette submersion migratoire qu’évoque M. Collomb. » Or, dans la même publication, Jacques Toubon, Défenseur des droits, rappelait quant à lui que cette « idée de submersion » est « fausse », car « le solde migratoire en France est nul sur la période des trente dernières années ».

Par conséquent, Éric Ciotti ment – effrontément – lorsqu’il prétend que l’Europe est submergée.

Mais ce bobard lui permet de cracher ensuite : « Nous ne pouvons plus continuer à accueillir des personnes […] qui […] ne peuvent qu’être prisonniers (1) de communautarismes dangereux. » Et de passer ainsi de la fustigation des migrant·e·s à la stigmatisation des musulman·e·s – puisque nous savons de fort longue date que c’est l’islam qui est visé, quand des gens comme lui s’attaquent au « communautarisme » (ou s’érigent, en même temps qu’ils exigent par exemple que les « racines chrétiennes » de la France soient inscrites « dans notre Constitution », en intraitables défenseurs de « la laïcité »).

Depuis des années, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) (2) déplore cette « libération », dans l’espace public, de « discours qui étaient autrefois cantonnés à l’extrême droite », s’inquiète de « l’impact que peuvent avoir » ces « discours politiques ou certains débats nationaux sur l’attitude de quelques-uns de nos concitoyens vis-à-vis de la population musulmane », et redoute que la banalisation de ces logorrhées ne contribue à « une augmentation réellement significative des comportements antimusulmans ».

Et, de fait, ces « comportements » deviennent de plus en plus problématiques – disons comme ça pour aller vite.

Au Québec, par exemple, et comme le narrait la semaine dernière un passionnant papier du Monde (3), « les débats sur l’islam et la laïcité ont permis aux néonazis de prospérer ». Cependant qu’en France un groupuscule néofasciste, dont plusieurs membres viennent d’être interpellés, projetait de « s’en prendre à des musulmans » et de s’attaquer notamment à « des femmes voilées, choisies au hasard dans la rue (4) ».

Ne pas s’y tromper, cependant : la droite, fût-elle spécialement râpeuse – comme quand elle s’incarne dans un Éric Ciotti –, n’est pas seule responsable du climat détestable où ces islamophobes fanatiques puisent peut-être un supplément d’assurance. Et, en vérité, il serait peut-être temps que certain·e·s, à gauche aussi, se décident enfin à réfléchir aux possibles effets de leurs si progressistes contributions à l’entretien, dans l’époque, d’anxiétés antimusulmanes permanentes.

(1) Sic.

(2) Qui pourrait peut-être, soit dit en passant, et sauf son respect, se décider enfin à changer cette appellation : Commission nationale consultative des droits humains sonnerait tellement mieux.

(3) Le Monde, 21 juin.

(4) Le Monde, 25 juin.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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