La mère d’une interpellée d’Arago témoigne

Emmanuelle, professeure de philosophie, est la mère d’une étudiante arrêtée et placée en garde à vue le 22 mai. Elle raconte.

Ingrid Merckx  • 6 juin 2018
Partager :
La mère d’une interpellée d’Arago témoigne
© photo : ALAIN COUTURIER / CROWDSPARK

Le 22 mai, ma fille m’a contactée depuis le lycée Arago, à Paris. La police arrivait… Les portes ont été défoncées à la scie sauteuse et à la hache. Les 102 interpellés se sont vus reprocher des dégradations de matériel et des vols, mais ils ont été fouillés en montant dans le fourgon, comment auraient-ils pu cacher des tablettes ? Ils ont été entassés dans des bus à 60 pour 15 places assises. Ils étaient très serrés, ne pouvaient ni boire ni aller aux toilettes, pendant quatre heures, sans air, derrière des vitres teintées. La police ne leur avait pas encore retiré leurs téléphones. Ils ont envoyé des messages.

À lire aussi >> Arié Alimi : « La politisation de la jeunesse est perçue comme un danger pour le pouvoir »

Une petite vidéo circule sur les réseaux sociaux. Leurs identités ont été contrôlées, puis ils ont été répartis dans différents commissariats. J’ai appelé un avocat. Les gardes à vue ont duré de 24 à 48 heures. Je n’ai reçu un appel officiel que le 23 au soir. On m’a alors prévenue que ma fille serait déférée devant le procureur au tribunal de grande instance le 24 à 10 heures. Rien d’autre.

Ce matin-là, les soutiens étaient nombreux devant le tribunal. Ma fille n’a été relâchée que vers 14 heures. Elle doit passer en procès le 22 octobre. Elle est accusée d’« intrusion en réunion dans un lycée en vue de troubler l’ordre public ». Elle a 20 ans. Elle décrit des conditions de garde à vue très dégradantes qui ajoutent au quotidien des commissariats des comportements brutaux, sexistes et racistes de la part des policiers. Elle a refusé le prélèvement ADN, mais une de ses amies a fini par céder aux menaces en pleurant. Ce qui les a aidés, c’est qu’ils étaient ensemble. Ce fut une expérience très violente. Mais je ne pense pas qu’elle les dissuade de se mobiliser. Au contraire.

À lire aussi >> Le désir d’étudier douché par l’État

Société Travail
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Pour en finir avec la centralité du travail
Travail 6 novembre 2025

Pour en finir avec la centralité du travail

Alors que le travail génère souvent de l’insatisfaction, en prise à des conditions toujours plus précaires, il reste présenté comme une valeur indépassable dans nos vies. Une centralité qui semble anachronique avec la catastrophe écologique, selon l’économiste Alain Coulombel.
Par Alain Coulombel
Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes
Enquête 5 novembre 2025 abonné·es

Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes

Une plainte pour « abus d’autorité » a été déposée contre le préfet des Hautes-Alpes par une famille expulsée illégalement en septembre. Celle-ci était revenue en  France traumatisée et la mère avait fait une fausse couche, attribuée au stress causé par l’expulsion.
Par Pauline Migevant
Mouvement social de 1995 : la naissance d’une nouvelle génération politique
Récit 5 novembre 2025 abonné·es

Mouvement social de 1995 : la naissance d’une nouvelle génération politique

Le grand mouvement social de 1995 a vu l’apparition d’une dizaine de futurs visages de la gauche, des figures qui, en trois décennies de vie publique française, n’ont jamais abandonné le combat. Très souvent en faveur de l’union de la gauche.
Par Lucas Sarafian
1995, l’année où le syndicalisme s’est réinventé
Syndicats 5 novembre 2025

1995, l’année où le syndicalisme s’est réinventé

Dans un contexte de fin des utopies politiques et de tournant social-libéral, le mouvement de 1995 catalyse une recomposition syndicale profonde. L’unité d’action, l’émergence de nouvelles organisations et le rôle central des assemblées générales en font le point de départ d’un renouveau syndical toujours inachevé.
Par Benoît Teste