Jean-Michel Clément : « La politique d’Emmanuel Macron n’est pas la bonne »

Ancien député socialiste et seul macronien à avoir voté contre le projet de loi asile-immigration, Jean-Michel Clément critique l’action du gouvernement sur plusieurs autres points et envisage de constituer un nouveau groupe parlementaire.

Agathe Mercante  • 19 juillet 2018
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Jean-Michel Clément : « La politique d’Emmanuel Macron n’est pas la bonne »
Photo : Jean-Michel Clément sur les bancs de l'Assemblée en février 2017
© Patrick KOVARIK / AFP

Député de la 3e circonscription de la Vienne depuis 2007, Jean-Michel Clément s’était mis en congé du groupe parlementaire de la République en marche (LREM) de son propre gré après s’être abstenu lors du vote de la loi asile-immigration. Il nous dévoile aujourd’hui sa volonté de monter un huitième groupe à l’Assemblée nationale, dont il espère déposer les statuts d’ici la rentrée parlementaire, au premier octobre 2018.

Politis : Vous n’avez pas voté le projet de loi Asile et immigration du gouvernement le 23 avril dernier, entraînant de facto votre mise en retrait du groupe parlementaire, qu’avez-vous fait depuis ?

Jean-Michel Clément : Après cet épisode, j’ai écrit à Richard Ferrand [président du groupe LREM de l’Assemblée nationale, NDLR] pour l’informer de mon retrait. J’avais été missionné pour rendre un rapport parlementaire sur les propositions législatives, je l’ai remis publiquement le 20 juin. Les choses sont réglées aujourd’hui, même si mon retrait a été acté en amont. Je suis le seul à avoir été exclu de la République en marche, les autres parlementaires ont peur, mais d’autres que moi prendront ce chemin dans les semaines et les mois à venir, j’en suis convaincu. LREM est un groupe ultramajoritaire qui cherche encore son mode de fonctionnement.

Avec d’autres élus, qui se feront connaître quand ils le souhaiteront, nous réfléchissons plus que sérieusement à la construction d’un groupe parlementaire. Et nous ne sommes pas seuls. Il existe au sein de la majorité deux groupes qui s’interrogent sur la possibilité de la quitter. L’un présente une homogénéité historique autour des thématiques sociales, l’autre est plus hétérogène. Au sein du groupe que l’on s’apprête à fonder, il y aura des élus qui proviennent de la République en marche, mais pas seulement.

Quelles seront les idées fondatrices de ce groupe parlementaire ?

Quand un groupe se constitue, il ne reste pas sur ses bases historiques. Nous avons un certain nombre de lignes fortes qui nous rapprochent. À commencer par un vrai attachement à la fonction parlementaire via son prisme territorial, un attachement aux territoires – d’où notre forte opposition à la réforme constitutionnelle. Nous sommes aussi sensibles à la question écologique et tout ce qui l’accompagne. Il faut prendre en compte les mutations et cette idée doit imprégner les textes de loi en y intégrant les grands principes écologiques, le développement durable. Il faut également veiller à l’équilibre des comptes publics : la vertu n’a pas de frontières administratives. Et puis il y a cette valeur cardinale à laquelle nous sommes tous très attachés : l’humanisme. En plus de ces quatre éléments, nous avons un vif attachement aux valeurs européennes. Mais encore faut-il décider de quelle Europe. Nous sommes, par exemple, pour une révision des traités sur l’immigration, les politiques d’accueil.

En quoi vos positions s’inscrivent-elles à rebours de celles d’Emmanuel Macron ?

Nous sommes quelques-uns à ne pas avoir trouvé ce que l’on cherchait dans les textes de lois présentés cette année par le gouvernement. Globalement, la politique d’Emmanuel Macron n’est pas la bonne. À commencer par sa politique migratoire, mais aussi la loi sur l’agriculture et l’alimentation. Quant à la réforme constitutionnelle… Si c’était à refaire, je ne pense pas que les autres députés et moi revoterions pour les réformes économiques non plus. Alléger l’impôt sur la fortune, c’était renier beaucoup de nos idéaux de gauche.

Est-ce la fin de l’adage cher au Président qui consiste à libérer l’économie « et en même temps » protéger les plus faibles ?

Je me pose la question de ce que veut vraiment dire ce « en même temps ». Il est facile de le dire, maintenant il faut le vérifier. On ne peut pas tout faire à la fois. Sur les politiques migratoires, on ne peut pas, par exemple, allier humanité et fermeté. En matière de justice fiscale, on n’impose pas le travail et le capital de la même manière non plus. Je ne pensais pas, quand il s’est agi de rejoindre Emmanuel Macron, que son programme serait décliné de cette manière-là. Je suis extrêmement surpris de ce que peut faire un homme qui avait tout de même été un ministre de François Hollande pendant plus de deux ans. Je le pensais apte à réformer là où la droite et la gauche avaient échoué, mais aussi à accompagner ses réformes de bienveillance. On parlait de social-démocratie, on est passé au social-libéralisme. Maintenant, nous en sommes à une politique strictement libérale.

Où, sur l’échiquier politique, pourrait se situer votre groupe parlementaire ?

Nous serons dans l’opposition. Mais nous souhaitons offrir à nos membres la liberté de voter comme ils l’entendent, en fonction des textes et des sensibilités de chacun. En tant que député socialiste lors de la précédente mandature, je n’avais pas voté la déchéance de nationalité, je veux avoir la même liberté dans ce nouveau groupe parlementaire. Mes collègues sont assez grands pour avoir leur propre positionnement. Mais à ceux qui restent encore dans la majorité, je les invite à s’émanciper. Il faut que des voix sociales se fassent entendre ailleurs que dans l’opposition.

Doit-on en déduire que vous ne voterez pas la réforme constitutionnelle en cours d’examen au Parlement ?

Il s’agirait d’un renforcement du régime présidentiel sans précédent. Elle déséquilibre tous les pouvoirs et j’y suis fondamentalement opposé. Nous voulions la preuve que l’on sombrait dans un régime présidentiel, nous l’avons. La goutte d’eau, c’est quand même le vote, en pleine nuit, d’un amendement permettant au Président de répondre aux parlementaires réunis en congrès. Ce n’est pas un simple amendement, c’est une cassure dans l’équilibre des pouvoirs. Vous vous rendez compte ? Un amendement voté à 1h30 du matin. On remet en cause la séparation des pouvoirs à une heure du matin !

Politique
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