Montagne d’or : mirage économique

Face aux promesses des industriels, les opposants au projet minier appellent à « prendre le virage d’un nouveau développement ».

Daryl Ramadier  • 10 juillet 2018 abonné·es
Montagne d’or : mirage économique
Photo : Manifestation à Cayenne, le 26 octobre 2017, à l’occasion d’une visite officielle d’Emmanuel Macron.
© Jody Amiet/AFP

La Compagnie minière Montagne d’or sait utiliser la misère sociale pour vanter les mérites de sa mine. Elle créera 900 emplois directs et indirects pendant la construction, puis 3 750 en phase d’exploitation. Le bénéfice attendu pour la Guyane serait de 67 millions d’euros (taxes locales) et 283 millions pour l’État (impôts et taxes sur les carburants). L’association patronale Grappe d’entreprises ORkidé de Guyane affirme que « l’argent injecté [par les salariés] dans l’économie locale participera à la génération de nouvelles activités, donc de nouveaux emplois et de nouveaux salaires ».

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Mais, de l’aveu du Parlement européen, « l’extraction minière au cyanure génère peu d’emplois, seulement pour une période de 8 à 16 ans, tandis qu’elle fait peser le risque de désastres écologiques transfrontaliers dont le coût n’est en général pas pris en charge par les sociétés d’exploitation […] mais par les contribuables ». Un « projet spéculatif » « très cher par emploi créé », a reconnu Nicolas Hulot sur RMC, le 8 novembre 2017. S’adressant à Gabriel Serville (Gauche démocrate et républicaine), il se disait « soulagé qu’un député de la Guyane ne cède pas spontanément aux miroirs aux alouettes » des industriels. Aura-t-il la même position au moment où sera rendue la décision de l’État ?

Les opposants parlent d’un « mirage économique ». Pour WWF, le projet repose sur des hypothèses fragiles, qui ne prennent pas en compte la volatilité du cours de l’or et la dépendance au change euro-dollar (les dépenses se feront surtout en euros pour des revenus en dollars). Les coûts qu’aurait à supporter la Guyane (accidents, dommages écologiques, subventions trop élevées, etc.) pourraient rendre la mine non viable pour la société. _« Comme tout projet industriel, c’est une activité qui cherche du profit pour ses actionnaires, disait en avril Christiane Taubira, ex-députée du département, sur la radio Guyane la 1re. Les routes ouvertes vont mener à des écoles ? Des hôpitaux ? Des laboratoires ? Non. Il faut penser le territoire autrement. »

Contre la mine d’or émerge la demande d’une autre société. Parmi les pistes étudiées : produire localement la nourriture, atteindre l’autonomie énergétique avec des ressources durables, développer les métiers du bois et la pêche soutenable, favoriser l’économie circulaire, investir dans l’apprentissage, le tourisme ou la santé. « La Montagne d’or pose un choix, résume la fédération Guyane nature environnement. Aller dans le sens de l’exploitation économique de court terme ou prendre le virage d’un nouveau développement imposé par les enjeux liés aux changements climatiques, à la protection de la biodiversité et au sort des générations futures. »

Écologie
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