Quelle sortie de crise en Tunisie ?
Marasme économique, colère sociale, manœuvres politiques : le pays n’a jamais paru aussi proche de la déstabilisation depuis la révolution de 2011.
dans l’hebdo N° 1513-1515 Acheter ce numéro

© FETHI BELAID/AFP
Dans la nuit du 2 au 3 juin, environ 200 migrants clandestins, dont une majorité de Tunisiens, ont fait naufrage à quelques milles nautiques de l’archipel des Kerkennah, au large de Sfax. Seuls 78 ont survécu. L’émotion soulevée par ce nouveau drame n’y change rien : les jeunes des régions déshéritées continuent de tenter en Europe la chance qu’ils n’entrevoient plus dans leur pays, pourtant porteur des derniers espoirs du « printemps » qui a saisi les pays arabes au début de la décennie. La tentation de l’exil ne touche pas que les plus démunis : en 2017, 45 % des médecins nouvellement inscrits à l’ordre ont préféré partir exercer leurs talents hors de Tunisie (contre 9 % en 2012).
Dette recordDepuis l’automne 2016, la vague d’émigration clandestine ne cesse d’enfler. Les filières s’étendent désormais jusqu’au grand Sud tunisien et proposent pour 2 000 à 3 000 dinars (660 à 1 000 euros) la traversée vers la proche île italienne de Lampedusa. À Kerkennah, où la pêche artisanale, concurrencée par les chaluts industriels, est en crise, c’est devenu un débouché pour certains pêcheurs, qui louent, voire cèdent, leurs embarcations aux passeurs. Près de 10 000 Tunisiens auraient fait la traversée depuis le début de l’année, soit autant que de migrants interceptés par les autorités tunisiennes et italiennes en 2017, selon le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Sous la pression de l’Union européenne, les autorités ont déployé d’importants effectifs de police à Kerkennah, mais elles refusent