« Gatomaquía », d’Israel Galvan : Danse avec les chats

Le danseur et chorégraphe espagnol s’invite sous le chapiteau du cirque Romanès.

Julien Covello  • 10 septembre 2018 abonné·es
« Gatomaquía », d’Israel Galvan : Danse avec les chats
© photo : Mjacob

G atomaquía, c’est le titre du nouveau spectacle du danseur et chorégraphe de flamenco Israel Galván. Référence à la tauromachie, une autre passion espagnole, et à Lope de Vega, il pourrait se traduire par « la bataille des chats ». Mais ce serait oublier le clin d’œil au cirque tzigane Romanès, dont l’univers est toujours habité par le félin, héritage du passé de dresseur de fauves du patriarche, Alexandre.

Israel Galván sous le chapiteau Romanès, c’est l’histoire d’un hasard et d’une rencontre. Le hasard, c’est la fermeture pour travaux du Théâtre de la Ville, avec lequel l’artiste est en contrat. La rencontre, c’est bien sûr celle de deux cultures gitanes, de part et d’autre des Pyrénées. Ou des Balkans.

Pour Galván, né dans une famille d’artistes gitans de Séville, la recherche esthétique s’est souvent muée en élan de solidarité pour ces peuples déshérités d’Europe. On se souvient de sa prestation dans un camp rom de Ris-Orangis en 2013, entre roulottes et palettes de bois, au milieu des enfants émerveillés. La même année, son spectacle traitait du sort des Tziganes pendant la Seconde Guerre mondiale, persécutés par les nazis.

« Il est tombé amoureux du cirque Romanès, explique Délia. Il est venu voir le chapiteau. Nous faisions des grillades et de la musique à l’extérieur, il est resté tout l’après-midi. Alexandre est arrivé avec un jambon pour nourrir les chats, ça l’a fait rire. Ça lui rappelle que ses ancêtres vivaient comme nous. »

« Il avait entendu parler de nous par d’autres artistes espagnols, indique Laurent Milhoud, de l’association Casa Planète, qui organise des spectacles de flamenco pour Romanès. C’est lui qui a eu l’idée de venir nous voir. »

Délia et Laurent décrivent un artiste aux aguets, s’imprégnant du lieu, jaugeant les planches, touchant à tout à la recherche d’éléments scénographiques. Lorsqu’il est tombé sur la « ménagerie » féline, il a décidé d’en faire son fil conducteur.

L’audace est une marque de fabrique pour Israel Galván, qui développe depuis vingt ans un style à la frontière du flamenco et du contemporain. Au fil des ­spectacles, le flamenco traditionnel s’est déstructuré, pour ne plus en garder que la technique et les clins d’œil, souvent pleins d’humour, et toujours cette posture de défi du torero, à la fois puissante et fragile. Une originalité qui lui vaut un succès international jamais démenti.

Le danseur avait envisagé de tenir seul le chapiteau. Sans guitare ni chant. La danse nue. « Para quatro gatos », dit un dicton espagnol, équivalent de nos « trois pelés et un tondu ». Un comble pour celui auquel Georges Didi-Huberman avait consacré un essai intitulé Le Danseur des solitudes (1). « Il a réécrit son spectacle à notre contact », explique Délia, à qui l’artiste, qui vient finalement avec le guitariste Emilio Caracafé, a demandé de chanter. Les filles de Délia et Alexandre, Rose et la trapéziste Alexandra, sont également convoquées. Et, bien sûr, les chats !

« Je crois que, pour un créateur de sa trempe, le spectacle continue d’évoluer dans sa tête jusqu’à l’entrée en piste », confie Laurent. Audace et improvisation, deux définitions de l’art pour qui sait toujours retomber sur ses pattes.

(1) Éditions de Minuit, 2006.

Gatomaquía, Israel Galvan, du 12 au 22 septembre, Cirque Romanès, square Parodi, porte Maillot, Paris XVIe, 01 42 74 22 77 / 01 40 09 24 20.

La Trapéziste des anges, nouveau spectacle du cirque Romanès, à partir du 12 octobre.

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