Jann Marc Rouillan, une bataille pour la mémoire

Le principal fondateur d’Action directe publie « un » témoignage, à partir d’un texte écrit en prison il y a près de vingt ans.

Olivier Doubre  • 26 septembre 2018 abonné·es
Jann Marc Rouillan, une bataille pour la mémoire
© Une altercation entre les membres d’Action directe et les gendarmes à la lecture du verdict, au procès de 1994.JEAN CHESNOT/AFP

Originaire de la région toulousaine, Jann Marc Rouillan (1) adhère fin 1972 au Mouvement ibérique de libération (MIL), ancêtre des Groupes d’action révolutionnaire internationalistes (Gari), mouvement armé essentiellement dirigé contre la dictature franquiste. Il partage alors un appartement à Barcelone avec Salvador Puig Antich, qui, quelques mois après avoir été arrêté, fut exécuté – garroté – dans une prison catalane. Jann Marc Rouillan échappe de justesse à cette funeste arrestation. Il est alors impensable pour le futur cofondateur d’Action directe (AD) de renoncer à une lutte radicale, « les armes à la main », à la suite du mouvement autonome et mû par « l’impulsion des Brigades rouges (BR) et de la Rote Armee Fraktion (RAF) ».

Né fin 1977, AD va durer quelque dix années et, à la différence d’autres groupes de lutte armée, prôner un engagement internationaliste constant. Après une première période (jusqu’en 1980) où le petit groupe s’investit dans différentes luttes avec des actions surtout symboliques, essentiellement en France, certains membres (dont l’auteur) sont arrêtés à la fin du septennat Giscard d’Estaing, puis graciés après l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée. Peu après, ils décident de renouer avec la lutte armée, en s’affairant à créer un « front anti-impérialiste », qui regroupera bientôt quelques éléments italiens, pliant pourtant déjà sous une répression massive, et surtout la dernière génération de la RAF et les Cellules communistes combattantes belges. Un front transnational qui réussit quelques coups d’éclat, comme les assassinats du général français Audran, au cœur du complexe militaro-industriel hexagonal, de Georges Besse, PDG de Renault, ou, côté allemand, de l’industriel Ernst Zimmerman. Si AD fut le plus important groupe armé en France, l’affrontement n’atteignit jamais le niveau que connurent l’Allemagne et l’Italie. Rouillan le reconnaît d’ailleurs volontiers, à la différence des organisations armées italiennes qui longtemps purent s’appuyer sur un fort mouvement populaire solidaire, ils développèrent leurs actions dans un contexte de reflux des luttes ou, quand bien même des mobilisations naissaient, « leur élan était toujours plus privé d’un contenu subversif ». Peu à peu, ils sont retrouvés isolés et traqués, jusqu’à leur arrestation en 1987.

Malgré des formulations parfois grandiloquentes sur « l’engagement révolutionnaire » dans un style très marxiste-léniniste, ce « témoignage » donne à connaître « une histoire d’AD » et non « l’histoire d’AD ». Histoire peu documentée, dont Jann Marc Rouillan justifie ainsi l’intérêt : « L’interdit de témoigner de notre lutte que la justice a fait peser sur nous depuis trente ans est levé. La bataille de la mémoire a commencé »

(1) Connu précédemment sous le nom Jean-Marc Rouillan.

Dix ans d’Action directe. Un témoignage, 1977-1987 Jann Marc Rouillan, éd. Agone, coll. « Mémoires sociales », 412 p., 22 euros.

Idées
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