Guillaume Meurice sur le non-accueil des migrants : « Un crime contre l’humanité »

Guillaume Meurice a été l’un des premiers signataires de l’Appel pour l’accueil des migrants. Il s’en explique et livre son regard sur la tragédie.

Jean-Claude Renard  • 8 octobre 2018
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Guillaume Meurice sur le non-accueil des migrants : « Un crime contre l’humanité »
© photo : Lionel BONAVENTURE / AFP

P ourquoi avez-vous signé cet appel pour l’accueil des migrants ?

Simplement parce que l’on m’a sollicité et que je suis d’accord en tout point avec le texte. À titre personnel, je suis très sceptique quand à l’impact réel d’un tel appel. Mais que faire face à la lâcheté généralisée des « pouvoirs publics » ? Ne pas se résigner est le premier des devoirs.

Quelle est votre implication personnelle autour des migrants ? En avez-vous croisés, rencontrés, suivez-vous cette actualité ?

Je suis soutien de SOS Méditerranée depuis qu’Alice Gautreau, alors sage-femme sur le bateau, m’a contacté pour m’expliquer la situation à bord. Je suis pote avec Cédric Herrou, considéré comme un délinquant par le pays des droits de l’homme. J’ai joué mon spectacle dans la Roya et j’ai été rendre visite aux réfugié.e.s qu’il accueille. J’aide également autant que possible le BAAM dans leurs actions. Lorsque je fais des chroniques sur le thème et je refile la thune à ces assocs. Je suis très admiratif des bénévoles qui les composent.

Quelle est votre réaction quand une réunion européenne s’articule autour de la réception de seulement 58 migrants à partager en Europe, dont 18 personnes en France, comme cela a été le cas la semaine dernière ?

Envie de foutre tous ces bien mal nommés « responsables » sur une barque en pleine Méditerranée et les regarder se démerder.

Quel symbole est devenu l’Aquarius ?

La preuve que, certes le pire existe chez l’être humain, mais le meilleur aussi. Quelles que soient les époques et les crises, il y aura toujours des gens pour porter assistance aux autres. L’idéologie dominante nous présente la compétition et la lutte de chacun contre tous comme l’horizon indépassable de la civilisation, alors que l’humanité aurait sans doute déjà disparu sans la coopération, l’entraide, la solidarité. Fous Laurent Wauquiez à poil dans la forêt et demande lui s’il pense toujours que « l’assistanat est le cancer de la société ».

Il n’y a plus de bateaux, en dehors de l’Aquarius, pour secourir les migrants, tandis qu’il y en avait encore dix au printemps…

C’est juste dégueulasse. De la non-assistance à personnes en danger. Du racisme institutionnel. Un crime contre l’humanité.

Peut-on parler de faillite démocratique et humanitaire ?

Oui. On peut aussi parler de cynisme crasse. De politicailleries vulgaires. De honte absolue. La peur est devenue une variable d’ajustement électorale. Faire croire que des gens qui demandent de l’aide représentent eux-mêmes une menace pour la démocratie est au top du hit-parade de la propagande politique. Sur ce point, aucune différence entre Macron et Le Pen. Gérard Collomb n’est simplement qu’un Robert Ménard complexé.

N’est-ce pas étonnant de voir l’Europe déléguer à des dictateurs ou des seigneurs de guerre la gestion des flux migratoires en Afrique du Nord ou bien de laisser la Grèce se débrouiller seule ?

Non ce n’est pas étonnant. Il n’existe pas d’Europe sociale et encore moins d’Europe humanitaire. L’Union européenne est une structure économique et uniquement économique. Un grand marché dans lequel un être humain est simplement une statistique, une variable d’ajustement. Un espace où l’indécence se nomme désormais « pragmatisme ».

« L’humanisme, ce n’est pas le bon sentiment », a déclaré Emmanuel Macron à l’ONU. Quelle est votre réaction ?

Emmanuel Macron qui parle d’humanisme, ça me fait le même effet que Barbarin qui parle de puériculture.

Société
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