Yémen : briser le silence et faire cesser les livraisons d’armes

Tribune. Des associations et des personnalités dénoncent le silence complice du gouvernement français dans le conflit qui touche le Yémen depuis quatre ans.

Collectif Solidarité Yémen  • 29 octobre 2018
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Yémen : briser le silence et faire cesser les livraisons d’armes
© photo : Saleh Al-OBEIDI / AFP

La guerre civile au Yémen est devenue depuis 2015 une guerre internationale, avec notamment l’intervention des forces armées de la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, dans les airs, sur terre et sur mer.

Plus que les combats, ce sont les attaques aériennes en particulier contre les civils et les infrastructures vitales, les hôpitaux, les marchés, les écoles, qui font des victimes par milliers. La misère gagne, la malnutrition progresse, les secours essentiels destinés à ces populations ne leur parviennent qu’insuffisamment et irrégulièrement, malgré les exhortations des Nations unies pour des « corridors humanitaires ». Les enfants sont les premières victimes de cette situation.

La France, comme d’autres pays, est un important fournisseur d’armes et de munitions qui sont utilisées dans la région, notamment par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. De telles exportations d’armes sont régies par le Traité international sur le commerce des armes (TCA) qui a force de loi dans notre pays depuis sa ratification par le Parlement français le 2 avril 2014. Il précise que de telles exportations d’armes ne peuvent avoir lieu si celles-ci servent à commettre des crimes de guerre, actes graves de violence contre les femmes et les enfants, ou à en faciliter la commission (article 7 du traité).

La situation au Yémen a provoqué, dans de nombreux pays exportateurs d’armes vers les belligérants des débats et enquêtes, parlementaires notamment, sur les conditions d’exportation et d’utilisation de ces armes, en Suède, aux Pays-Bas, en Belgique, au Royaume-Uni, en Allemagne… ainsi qu’aux États-Unis (non signataires du TCA). Le Parlement européen a voté une résolution dès novembre 2017 et s’est prononcé récemment pour la fin des transferts d’armement vers l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

Un tel débat doit aussi avoir lieu en France. De nombreuses organisations non gouvernementales, dont les sections françaises d’Amnesty International, de Human Rights Watch et de Handicap International, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), Action contre la faim, etc., ont réclamé une commission d’enquête sur le respect des engagements internationaux de la France dans le cadre de ses exportations d’armes aux belligérants du conflit au Yémen. Une telle commission a été demandée par des dizaines de parlementaires de toutes opinions depuis avril 2018 (résolution 856). Il n’a jusqu’à présent, pas été fait droit à leur demande, si ce n’est sous la forme très limitée d’une mission d’enquête.

Le groupe d’expert mandaté par l’ONU sur la violation des droits de l’homme au Yémen a rendu un rapport en septembre 2018 évoquant des crimes de guerre. Au terme de l’article 7-7 du TCA, la France se doit de réexaminer ses autorisations d’exportations d’armes et de munitions qui pourraient contribuer à ces crimes, en particulier aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite. Qu’en est-il ?

Nous dénonçons le silence complice du gouvernement français. Nous demandons que la France conformément au dernier vote du Parlement Européen et au TCA, en toute indépendance, cesse toute livraison d’armes aux belligérants, de même que toute maintenance des chars, avions et autres matériels livrés à ces pays par la France.

Nous exigeons qu’une enquête parlementaire soit ouverte quant à l’implication possible de soldats français dans le conflit.

Contre l’application par les belligérants d’une stratégie de la famine, nous demandons au gouvernement français de faire pression sur les belligérants pour qu’ils respectent les résolutions de l’ONU quant à l’accès des secours humanitaires aux populations concernées, pour qu’ils cessent les combats et ouvrent des négociations immédiates.

Organisations signataires :

ACDA – AFD international – ATMF -AIDL – Attac – Cedetim – Collectif ni Guerre ni état de guerre – EELV –Ensemble – Femmes plurielles – Fondation Frantz Fanon – Forum Palestine Citoyenneté – FTCR – GDS – Génération.s – IPAM – Médecins du monde – MRAP – Nouvelle donne – NPA- Observatoire des armements – PCF- PCOF – PIR – PRCF- PG – Salam for Yémen – Solidaires – SumOf US – Survie – UJFP

Signatures personnelles :

Pierre Barbancey Grand reporter à l’Humanité – Edwy Plenel Journaliste – Jean-Paul Chagnollaud Professeur émérite des universités – Denis Sieffert Journaliste – Alain Gresh Directeur du journal Orient XXI – Étienne Balibar – Pouria Amirshahi directeur de Politis – Daniel Mermet journaliste écrivain – Bernard Dreano président du Cedetim – Kaddour Hadadi (HK) Musicien – Gilbert Achcar Professor of Development Studies and International Relations -SOAS -Catherine Samary économiste – Franck Gaudichaud, enseignant-chercheur, Université Grenoble Alpes- Alain Massé Ancien directeur Radio France- Sébastien Nadot député LREM – François Burgat IREMAM Aix-en-Provence – Rony Brauman Ex-président de MSF – Ludivine Bantigny Historienne – Patrick Viveret, Marie Christine Vergiat Députée européenne, Gérard Filoche GDS – Pierre Khalfa, économiste membre de la Fondation Copernic – Tarek Benhiba Président de la FTCRClaude Touchefeu Conseillère municipale de Toulouse, GDS, Jean-Yves Lalanne Maire de Billère 64, GDS, Francis Sitel (E), Roland Merieux (E), Michel Bock maire adjoint honoraire de Guyancourt, Frederic Brun, Nabil En-nasri Chercheur, Olivier le Cour Grandmaison Universitaire, Abderrahim Afarki Bibliothécaire, Abraham Behar Président de l’Association française des méde-cins pour la prévention de la guerre nucléaire, Abraham Behar Président de l’Association française des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire, Pierre Khalfa Fondation Copernic, Tarek Ben Hiba FTCR, Monseigneur Jacques Gaillot, Christine Poupin Porte-parole du NPA, David Cormand Secrétaire national EELV, Lana Sadeq Presidente du forum Palestine Citoyenneté, Noha Khalaf Historienne, Annie Lahmer Conseillère régionale EELV, Marie-Claude Simeone-Senelle Directrice de recherche émérite au CNRS, Pascal Durand Dé-puté européen, Anne Regourd – Chercheuse CNRS, Gérard Mordillat Ecri-vain, Jean-Luc Lecoq Commission affaires étrangères de l’assemblée nationale, Olivier Besancenot NPA, Sonia Dayan Herzbrun Professeure émérite à l’Université Paris Diderot-Paris 7, Judith Bernard Journaliste, Stathis Kouvélakis Profes-seur en philosophie politique au King’s College de Londres, Philippe Gorcuff Enseignant-chercheur, Gustave Massiah Militant altermondialiste, Magali San-sonetti Gestionnaire CNRS Ivry, Jeanne Zerner Administratrice CNRS Ivry, Tahar Meddour CNRS Choisy le roi, Christian Chanard Informaticien CNRS Vil-lejuif, Claude Rilly Chercheur CNRS Villejuif, Mouhieddine Cherbib CRLDHT, Philippe Lamberts Député européen, Bodil Valero Députée euro-péenne, Sadek AlSaar Président Salam for Yémen, Claire Monod Conseillère régionale, Yves Contassot Conseiller de Paris, Dalal Abu Saud Kleiche Ingé-nieure pédagogique e-lea rning, Renée Le Mignot Coprésidente du MRAP – Michèle Sibony UJFP – Abdelmajid Mrari Directeur région MENA AFD Interna-tional – Alima Boumediane Avocate et ancienne parlementaire – Martha Mundy Anthropologue

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