Ce week-end, le collectif Rosa Parks mobilise contre le racisme structurel

Le collectif Rosa Parks appelle les descendants de l’immigration coloniale à « disparaître » vendredi 30 novembre, et « réapparaître » le lendemain dans une manifestation dans les grandes villes de France. Entretien avec son porte-parole Omar Slaouti.

Alexandre Neto  • 28 novembre 2018
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Ce week-end, le collectif Rosa Parks mobilise contre le racisme structurel
photo : Rosa Parks se voit relever ses empreintes à Montgomery en 1956.
© ANN RONAN PICTURE LIBRARY / PHOTO12

Vendredi 30 novembre, le collectif Rosa Parks appelle les descendants de l’immigration coloniale, ainsi que tous ceux qui souhaitent montrer leur rejet du racisme structurel, à disparaître de la consommation, des réseaux sociaux, des lieux de travail ou d’enseignement. Et ensuite à réapparaître en manifestation le lendemain samedi 1er décembre sur toutes les grandes places des villes de France (à Paris, place de la Nation à 14 heures). C’est le 1er décembre 1955 que Rosa Parks refusa de s’asseoir dans l’espace réservé aux Noirs dans un bus de Montgomery, en Alabama, un des premiers actes du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis.

Prof de physique-chimie dans un lycée à Argenteuil (Val-d’Oise), Omar Slaouti, porte-parole du collectif Rosa Parks, explique le sens de l’opération « Le 30 novembre c’est sans nous, le 1er décembre c’est 100 % nous ! ».

Qu’est ce qui a amené la création du collectif Rosa Parks ?

Omar Slaouti : Le collectif Rosa Parks est né à la suite de plusieurs constats. Il y a un racisme structurel en Occident, qui a encore plus d’ampleur envers les migrants et les quartiers populaires, le tout s’inscrivant dans un contexte de creusement des inégalités sociales. Les politiques néolibérales mises en place en sont la cause, et ceux qui les mettent en place pointent du doigt certaines catégories de la population, qui seraient une menace : les descendants de l’immigration coloniale et les migrants. Il y a besoin de lutter à la fois contre le racisme et contre les inégalités.

Pourquoi avoir choisi de disparaître le 30 novembre et de réapparaître le 1er décembre ?

Parce que c’est très symbolique et symptomatique de ce qu’il se passe dans les sociétés occidentales, pas seulement en France ! Pour reprendre les mots de ceux qui mènent des politiques néolibérales, aux différentes échéances électorales, on focalise les débats sur le problème des migrants, ou des quartiers populaires, ou de l’intégration. Ces catégories de la population sont devenues des objets parlés plus que des sujets parlants, on ne leur donne pas la parole, mais on parle d’eux sans eux. C’est un rapport de visibilisation et d’invisibilisation exacerbé ! En résumé, on ne donne pas la parole à ceux dont on parle pourtant constamment en période électorale. Or nous voulons être visibles en tant que sujets politiques ! Nous n’appelons pas à disparaître et réapparaître uniquement ceux qui subissent ce racisme structurel, mais tous ceux qui en marre de ce rapport visibilisation-invisibilisation.

Est-ce la première initiative de ce genre ? C’est uniquement le collectif Rosa parks qui appelle à la grève et à manifester ?

Le collectif Rosa Parks existe depuis juin et regroupe une cinquantaine d’associations (1). C’est sa première action de ce type, mais ce n’est pas la première de l’histoire : en France, le 14 septembre 1973, le Mouvement des travailleurs arabes appelle à une journée de grève pour manifester son opposition au statut de sous-citoyenneté, voire sous-humanité qui leur est donné ; en 2006, aux États-Unis, les Latinos appellent à ne pas consommer pour protester contre les lois racistes qu’ils subissent ; en 2010, il y a eu « la journée sans nous » en France, dont le but était de faire prendre conscience de la place importante de celles et ceux qui sont nés de parents étrangers et parlent le français, mais qui refusent un statut de sous-citoyenneté ; enfin, chaque année, le 8 mars est une journée de lutte contre les inégalités entre les sexes.

Le collectif Rosa Parks est soutenu par de nombreuses associations, partis et syndicats, qui appellent à la grève le 30 novembre et à la manifestation le 1er décembre. Telle l’Union nationale lycéenne : le syndicat appelle à disparaître des lycées vendredi. D’autant plus que les frais d’inscriptions à l’université viennent d’être multipliés par 16 pour les étudiants étrangers extra-européens.

(1) Association des travailleurs maghrébins de France, Attac, collectif Stop le contrôle au faciès, etc. La liste complète est disponible sur le site du collectif Rosa Parks.

Société
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