Scholastique Mukasonga, au nom des siens

L’écrivaine franco-rwandaise a raconté dans un récit paru au printemps dernier comment la soif de savoir lui a permis d’échapper au génocide des Tutsis. Poursuivant inlassablement son travail d’assistante sociale, elle soutient aujourd’hui les migrants.

Jean-Claude Renard  • 14 novembre 2018 abonné·es
Scholastique Mukasonga, au nom des siens
© photo : Catherine Hélie

Injonction paternelle : la réussite scolaire. Jusqu’à traîner sa fille, sous la menace d’un bâton, le jour de l’examen national. C’est aussi grâce à ce père, Cosmas, que le français, qu’il ne connaissait pas, est devenu pour elle une seconde langue. Cosmas s’était juré de sauver au moins un de ses enfants par l’école. Il ne s’est pas trompé. Ça valait bien, pour Scholastique Mukasonga, d’en faire le dédicataire de son dernier récit, Un si beau diplôme ! Celui d’assistante sociale, peut-être le seul choix de sa vie, pour exercer auprès des femmes paysannes. Le chemin sera âpre et laborieux. Elle le sait, parce que sa carte d’identité porte, « comme marque infamante », la mention « Tutsie ».

Scholastique Mukasonga naît en 1956 à Gikongoro, au sud-ouest du Rwanda, entre une mère fière de la noblesse de son lignage et un père intendant respecté et redouté, au service des chefs sous l’autorité coloniale. À la maison, on parle le kinyarwanda. En 1960, tandis qu’ont éclaté les premiers pogroms contre les Tutsis, sa famille est déplacée dans la région inhospitalière du Bugesera, à Nyamata. Elle a 4 ans seulement. « Je me revois dans une cour, confie-t-elle aujourd’hui, assise en tailleur dans la poussière, regardant l’affolement général. On avait été transportés toute la nuit dans un camion-benne et déversés à même le sol. Je m’accrochais au pagne de ma mère ! Ce n’est pas vraiment un souvenir de jeunesse, parce que je n’ai pas eu de jeunesse, mais des responsabilités, tantôt à épauler mes parents, tantôt à protéger mes petites sœurs. » Ce n’est qu’un début dans une existence de départs et d’arrivées, de valises faites et défaites.

Exil

Passé l’école primaire, l’adolescente réussit, en dépit de son statut ethnique, à s’inscrire au lycée Notre-Dame-de-Cîteaux, à Kigali, qui

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Littérature
Temps de lecture : 10 minutes