Gilets jaunes : « On a tous nos problèmes, mais on est solidaires »
La révolte des gilets jaunes tire sa puissance d’une agrégation des souffrances. Si elle semble sans débouché politique, elle comble une vraie carence. Reportage.
dans l’hebdo N° 1531 Acheter ce numéro

Une petite colline de pierres qui prend le vent, ceinte par un flot continu de voitures. Un feu qui s’éteint sous la bruine. Huit heures, vendredi matin. Le jour se lève sur trois gilets jaunes à moitié endormis, dans le fatras de canapés récupérés et le cabanon de palettes qu’ils ont surveillé toute la nuit, à l’entrée de Chartres (Eure-et-Loir). En ce jour de veillée d’armes pour les gilets jaunes de toute la France, les premiers rayons du soleil font renaître le ballet incessant des visites. Sur le chemin du travail, au détour d’une livraison ou à la faveur d’une heure creuse, ils sont nombreux à venir apporter un tas de bois pour le feu, quelques vieux meubles ou une petite somme d’argent.
Sylvie (1), auxiliaire de vie à domicile, raconte la souffrance secrète qu’elle voit au quotidien chez ces mamies qui « ont peur d’avoir faim » et mettent des provisions de côté. Sur les routes de 8 heures à 19 h 30, elle gagne elle-même moins que le Smic, parce que ses déplacements ne sont pas rémunérés mais « indemnisés » 7 centimes par kilomètre. « Si l’essence augmente, cela me coûtera plus cher de travailler », s’indigne cette mère célibataire, qui fait la tournée des ronds-points en lutte de la région depuis le début du mouvement.
Sur ce point névralgique de l’entrée de Chartres, transformé en carrefour de la solidarité, il s’agit moins aujourd’hui de bloquer la circulation que de se tenir chaud. Chacun venant avec son histoire goûter parfois pour la