L’impôt révolutionnaire réhabilité

Ce que demandent justement les gilets jaunes, c’est d’être entendus par les pouvoirs publics.

Dominique Plihon  • 12 décembre 2018 abonné·es
L’impôt révolutionnaire réhabilité
© photo : JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

L****a Révolution française comme la Révolution américaine ont été provoquées par des révoltes fiscales. Le mouvement des gilets jaunes a ainsi des racines profondes dans notre histoire. Car c’est une révolte populaire contre un pouvoir politique autoritaire qui a bafoué les deux principes fondamentaux de la fiscalité tels qu’ils ont été énoncés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le premier principe est une exigence de justice : l’article 13 stipule que l’impôt est une « contribution commune qui doit être également répartie entre tous les citoyens, en fonction de leurs facultés ».

Emmanuel Macron a débuté son mandat en imposant des mesures fiscales iniques au profit des plus riches, avec la suppression de l’ISF et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (flat tax) de 30 % pour les revenus du capital, qui ne sont plus soumis à l’impôt progressif. Ce qui a provoqué immédiatement un sentiment légitime d’injustice fiscale. Mais l’actuel président n’a fait qu’aggraver le caractère inégalitaire du système fiscal en France (1). Il faut rappeler que la TVA apporte à elle seule plus de 50 % des ressources de l’État. Or, les impôts indirects sur la consommation sont régressifs : ils pèsent davantage sur les pauvres que sur les riches, qui consomment une moindre part de leurs revenus. La taxe sur les carburants, qui est à l’origine de la révolte des gilets jaunes, est également une taxe sur la consommation, donc régressive. La France est l’un des pays où les impôts directs sur les revenus sont les plus faibles, en comparaison avec la plupart des pays avancés ; or, ce sont les impôts les plus redistributifs, donc les moins injustes…

Le second principe de la Déclaration de 1789 est une exigence de démocratie. Il tire les conséquences du fait que l’impôt est un « commun », qui doit procéder de la participation directe de tous les citoyens et de leur contrôle. C’est ce qu’exprime l’article 14 : « Les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » Ce que demandent justement les gilets jaunes, c’est d’être entendus par les pouvoirs publics. Leur méfiance à l’égard du gouvernement comme des élus provient de ce que, dans le système politique actuel, le peuple se considère comme dépossédé de toute forme de contrôle sur les impôts qu’il doit acquitter.

L’idéologie néolibérale considère l’impôt comme une charge financière à « optimiser » et lui a enlevé tout contenu politique. Les gilets jaunes, en élargissant leurs revendications à la justice fiscale, à la défense des services publics et à la démocratie directe, veulent politiser l’impôt dans l’esprit des principes révolutionnaires de 1789.

(1) Toujours plus pour les riches. Manifeste pour une fiscalité juste, Attac, Les Liens qui libèrent.

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