Qui sont les « casseurs » ?

Chaque fois que les riches cassent une sécurité sociale, ce sont les pauvres qui doivent assumer.

Sébastien Fontenelle  • 12 décembre 2018 abonné·es
Qui sont les « casseurs » ?
© photo : FRANCOIS GUILLOT / AFP

I****l y a ceux qui n’ont rien, ou presque – ceux que l’éditocratie accable de son mépris quand ils expriment leur ras-le-bol, et dont la colère déborde parfois lorsqu’ils descendent dans la rue, avec ou sans gilet jaune. Ceux que la presse dominante appelle alors des « casseurs » et que la police réprime ces jours-ci avec une brutalité inouïe.

Et puis il y a les autres. Ceux qui, avant même la suppression de l’ISF, n’avaient jamais aucun problème de fin de mois. Ceux qui n’ont jamais eu besoin de retourner plusieurs samedis de suite la moitié de Paris pour obtenir ce qu’ils réclament (ou exigent) – et qui peuvent perpétrer les pires violences sociales sans jamais être inquiétés.

Ceux-ci sont, en vérité, les véritables « casseurs ». Depuis quarante ans, ils détruisent méthodiquement – et systématiquement – tous les services publics. Et à chaque fois, ou presque, leurs « réformes », menées aussi au nom de la nécessité de gagner en efficacité managériale, font des morts – comme cela s’est vu, notamment, à France Télécom ou à La Poste. Est-ce que ces forfaits, infiniment plus graves que l’érection d’une barricade sur une avenue parisienne, leur valent des tirs policiers tendus, comme ceux qui ont visé depuis deux semaines des gilets jaunes ? Jamais. (Tout au contraire : ils sont ovationnés par les mêmes éditocrates qui se montrent par ailleurs si prompts à réprimander les manifestant·e·s qu’enrage ce saccage des sécurités sociales.)

Ce sont les mêmes qui polluent – bien plus que ne le feront jamais les modestes salariés qui protestent contre la hausse du prix du gasoil. « Les riches polluent » jusqu’à « 2 000 fois plus que les pauvres » : même Paris Match, qui n’est pas exactement un brûlot anarchiste, l’a constaté (1). Mais est-ce que cela leur vaut – par exemple – des ponctions fiscales ciblées, proportionnelles à leurs émissions de CO2 ? Non point : en guise de réprimande, ils sont soumis, comme tout le monde, à la taxe carbone – et les mots importants, ici, sont « comme tout le monde. » Parce que, bien sûr, cette taxation, qui mutualise donc l’inconséquence des plus gros pollueurs, est extraordinairement inégalitaire : c’est sur les pauvres, et sur eux seuls, qu’elle pèse réellement. (Car les mêmes hausses des prix des carburants qui grèvent si significativement les petits budgets laissent les possédant·e·s impavides : eux ont de quoi faire face à ces menus aléas.)

En somme, à chaque fois que les riches cassent une sécurité sociale, ou continuent d’aggraver le réchauffement de la planète, ce sont les pauvres qui doivent assumer, d’une manière ou d’une autre, le coût de ces méfaits. Et M. Macron, qui vient encore d’octroyer au patronat – et sous le couvert de la « transformation du CICE en allègement de charges sociales (2) » – un nouveau cadeau fiscal de 20 milliards d’euros, le sait parfaitement : c’est pour ça que, en même temps qu’il a nanti les patrons de cette magnifique étrenne, il a encore donné un gros coup de hache dans les budgets des hôpitaux.

(1) Paris Match, 5 novembre 2015.

(2) L’Humanité, 4 décembre 2018.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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