« L’habitat indigne rend malade, isole et tue »

Il y aurait 600 000 logements indignes en France. Quatre associations réclament un plan national pour lutter contre ce fléau.

Ingrid Merckx  et  Hervé Bossy (collectif Focus)  • 10 janvier 2019
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« L’habitat indigne rend malade, isole et tue »
© Photo : Hervé Bossy

Q uand va-t-on se donner les moyens de lutter contre ce fléau majeur qu’est l’habitat indigne ?, a lancé Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre, lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi 9 janvier avec les représentants de l’association nationale des Compagnons bâtisseurs, du réseau Procivis et du mouvement Soliha. L’habitat indigne c’est 600 000 logements : pour moitié des locataires et pour moitié des propriétaires occupants. Des copropriétés dégradées, des logements pauvres en milieu rural… la palette est large mais ce qui manque surtout, c’est l’ambition sur le terrain, auprès des gens. L’accompagnement des ménages est déterminant ! » Après une entrevue avec le ministre du Logement Julien Denormandie, qui les a laissées perplexes, les quatre organisations ont décidé de demander au gouvernement d’« engager sans tarder un ambitieux plan national de lutte contre l’habitat indigne ».

Un électrochoc

« Le fait initiateur de ce plan c’est la catastrophe sans nom de Marseille, a déclaré Christophe Robert. Les responsabilités ne sont pas établies dans une telle affaire. C’est aussi pour cela que la fondation Abbé-Pierre a décidé de se porter partie civile dans cette affaire. C’est un acte politique. Nous voulons créer un électrochoc » L’action en justice n’est pas un mode d’action complètement nouveau pour la fondation qui s’est déjà portée partie civile dans des affaires contre des marchands de sommeil. Mais c’est un mode d’action récent et surtout inédit dans le cadre d’une plainte contre X pour homicide involontaire. « Notre objectif c’est surtout d’apporter des éléments sur l’habitat indigne et les chaînes de responsabilité aux avocats qui vont défendre les victimes », a expliqué Julia Faure, responsable de la mission « Taudis » à la fondation.

Selon la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, sont considérés comme habitats indignes les locaux ou installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ou exposant les habitants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité ou à leur santé.

Quelque 1 900 personnes sont en attente de relogement à Marseille. « Le relogement n’est pas qu’une mission d’accès au bâti mais aussi à la citoyenneté », a rappelé Yannick Borde de Procivis, réclamant également un plus grand rôle de l’État. « Il faut que l’État soit outillé pour suivre les arrêtés d’insalubrité », a renchéri Christophe Robert. « L’insalubrité est un dossier compliqué. Il faut convaincre les propriétaires occupants. Trouver des solutions de travaux. Trouver des montages financiers… », a repris Yannick Borde. La loi Elan, qui présente des avancées significatives, s’est accompagnée de la suppression dans la loi de finances 2018 de l’allocation logement « accession », dite « allocation travaux », qui permettait de financer des travaux de réhabilitation pour les ménages très modestes. Un outil d’intervention fondamental pour ces associations qui réclament son rétablissement.

Éviter des « Marseille bis »

« La réalité de l’habitat indigne est une réalité silencieuse, a souligné Xavier de Lannoy du mouvement Soliha. Quartiers, propriétaires pauvres, locataires de logements dégradés : quand l’habitat indigne est le dernier refuge, on se tait. Et nous, associations, ne parlons pas assez. Il faut alerter !»

Si l’habitat indigne semble occuper une place nouvelle depuis l’effondrement des deux immeubles vétustes de la rue d’Aubagne à Marseille, « la politique de lutte contre l’habitat indigne diminue, et n’est pas à la mesure de la violence sociale », dénoncent les associations.

« On ne dit pas que rien ne se fait. On dit que l’insuffisance est dramatique. Or, il est possible de faire autrement ! », a insisté Christophe Robert en renvoyant à deux précédents sur lesquels le nouveau plan doit s’appuyer : la loi SRU relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 qui a imposé 20 % puis 25 % de logements sociaux. Et la loi du 10 juillet 2010 dite Grenelle 2 qui comporte un volet sur la précarité énergétique. « L’habitat indigne rend malade, isole et tue !, a insisté Christophe Robert. Il ne suffit plus de simplement faire évoluer la loi, il faut des moyens humains et financiers. Il faut fixer des objectifs et s’y tenir, sans quoi nous aurons des Marseille bis. »

Les quatre associations réclament ainsi que le gouvernement fixe un objectif de 60 000 logements indignes rénovés par an sur cinq ans, contre 13 000 par an à l’heure actuelle.De leur côté, les quatre organisations se sont engagées à parfaire le contenu du plan demandé, à moins d’un mois de la publication du 24e rapport sur l’état du mal-logement en France, que la fondation Abbé-Pierre rendra public le 1er février.

Société
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