Parti de gauche, es-tu là ?

Petit à petit, le mouvement de La France insoumise éclipse le PG, dont il est partiellement issu et qui le compose encore largement.

Agathe Mercante  • 23 janvier 2019 abonné·es
Parti de gauche, es-tu là ?
© photo : Danielle Simonnet, Éric Coquerel et Jeanu2011Luc Mélenchon, à Paris, en mai 2017.crédit : Thomas SAMSON/AFP

Éric Coquerel, mais aussi Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, Adrien Quatennens, Ugo Bernalicis, Bastien Lachaud, Charlotte Girard, Danielle Simonnet, Martine Billard… Rares sont les cadres insoumis qui n’en sont pas issus. Le Parti de gauche, fondé en 2008 par Jean-Luc Mélenchon et d’autres déçus du PS, fait même partie intégrante du mouvement. Si l’on affirme que les partis politiques sont les bienvenus au sein de La France insoumise – tant qu’ils renoncent à toute « logique de cartels » –, leur pérennité est loin d’être assurée une fois insérés au cœur du mouvement. Celle du PG, qui en est pourtant la matrice, est encore plus compromise.

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Le parti survivra-t-il, écrasé sous l’important poids électoral du mouvement ? « C’est son grand défi », explique Corinne Morel Darleux, qui a pris ses distances avec LFI et a quitté la direction du PG. « Aujourd’hui, le Parti de gauche est moins sur le devant de la scène », constate-elle, même si huit de ses membres siègent désormais au groupe LFI de l’Assemblée nationale (qui en compte dix-sept). « Le Parti de gauche est pleinement investi dans La France insoumise », reconnaît Danielle Simonnet, coordinatrice du PG avec Éric Coquerel. « Mais nous gardons nos instances et notre fonctionnement », précise-t-elle.

Cette forme partisane, le Parti de gauche ne veut pas s’en défaire. Avec LFI, ils ne sont pas en rivalité, ils sont « complémentaires », assurent ses représentants. « Le PG est un outil d’élaboration d’un projet politique sur le temps long : c’est à nous qu’il revient de réfléchir sur l’écosocialisme ou les problématiques posées par le capitalocène ou la collapsologie », détaille Danielle Simonnet. Une forme qui permet en effet de traiter de sujets pointus et qui dispose de solides bases structurelles, à la différence de La France insoumise, dont la composition en fait un organisme aux contours flous.

« Le PG a un mode de fonctionnement structuré, des organes de validation, des représentants, des programmes… Les militants y sont attachés », confirme Corinne Morel Darleux. Autant d’atouts qui lui permettent d’être présent sur des terrains inaccessibles à La France insoumise.

« Nous proposons des formations sur les fondamentaux théoriques, nous échangeons avec des partis étrangers », détaille Danielle Simonnet, qui, « dans une délégation du PG », va, ce 25 janvier, soutenir Leyla Güven, députée kurde emprisonnée par le régime Erdogan en Turquie et en grève de la faim. Une expérience et des compétences d’autant plus appréciables qu’elles ont amplement été mises à la disposition de LFI par le passé. « Durant la campagne présidentielle, le PG a fourni le gros des cadres et de la logistique, ainsi que des militants formés et expérimentés », se souvient Corinne Morel Darleux. Autant de raisons qui, pour les membres du PG, justifient son existence.

Mais, crise des partis politiques oblige, le PG n’a jamais atteint les scores politiques des Insoumis, ce qui a affaibli sa légitimité. « Ce n’est pas avec le PG qu’on aurait réussi à fédérer le peuple », estime Danielle Simonnet. « Le but du Parti de gauche n’a jamais été d’être un parti de masse – et c’est une vocation très saine », défend François Cocq. Présent dès 2008, l’ex-secrétaire du parti a récemment fait l’objet d’un tweet assassin de Jean-Luc Mélenchon le qualifiant de « nationaliste qui a été banni du mouvement ». Un choc pour les adhérents du PG et des cadres de LFI, qui ont demandé par la suite, dans une lettre ouverte, que soit posée « la question fondamentale de la structuration du mouvement ».

Tout comme ce tweet, les décisions du comité électoral de La France insoumise n’ont pas épargné le PG, invalidant au passage les accusations, par certains insoumis, de « favoritisme » à l’égard du PG. Ni la candidature de François Cocq ni celle de Corinne Morel Darleux n’ont été retenues. Une déception pour le « parti-mère ». « C’est une contradiction que nous assumons », indique Danielle Simonnet. Face à l’imposante France insoumise, le PG ne peut rêver d’étendre son pré carré. À en croire ses dirigeants, il ne le souhaite pas non plus. « Les décisions qui sont prises le sont avec le groupe de l’Assemblée nationale ou par le vote en ligne des militants insoumis », explique la codirigeante du PG.

Des rangs des Insoumis à ceux du parti (qui sont souvent les mêmes), la question d’une dissolution du PG dans LFI a été tranchée : pour l’instant, il demeurera. « J’ai pu penser à une dissolution heureuse, mais le PG garde un rôle important », estime Danielle Simonnet. « La forme du mouvement est plus opérante, mais il y a des tâches qu’il ne peut remplir. » Au PG la formation et la réflexion, à LFI l’action.

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