Wooden Shjips : Houle galactique

Avec leur sixième album, les Wooden Shjips poursuivent leur trajectoire cosmique.

Jacques Vincent  • 29 janvier 2019 abonné·es
Wooden Shjips : Houle galactique
© photo : jason powers

Ce n’est pas parce que leur nom n’est pas très connu qu’il faut penser que les Wooden Shjips sont nés de la dernière pluie acide. Ne pas croire non plus que les correcteurs ont laissé passer une faute de frappe avec ce j incongru qui surgit au milieu du mot comme un ver dans le fruit. Vu leur orientation musicale très référencée au passé, ils auraient pu faire comme tout le monde, au moins comme les Byrds et plus tard les Long Ryders, remplacer le i de Ships par un y insolite. Mais les Wooden Shjips ne font rien comme tout le monde. On n’oublie pas qu’ils se sont fait remarquer, à leurs débuts, en 2006, en sortant un premier album en vinyle envoyé gratuitement à quiconque le demandait.

Nommés à partir d’une chanson de David Crosby reprise par le Jefferson Aiplane, les Wooden Shjips sont originaires de San Francisco. Ils sont sans doute aujourd’hui ce qui se fait de mieux en matière de rock psychédélique. Leur nouvel album s’intitule simplement V et, même si rien ne dit qu’il s’agit d’un clin d’œil à un roman de Thomas Pynchon, on aime à le penser. D’autant que Pynchon a vécu en Californie une bonne partie des années 1960 et 1970 et semble-t-il fréquenté les cercles de la contre-culture, pour autant que l’on puisse avoir des certitudes sur l’une des figures les plus mystérieuses de la littérature américaine.

La musique des Wooden Shjips est faite de longues compositions posées sur une rythmique hypnotique et marquées par un tangage qui, malgré le nom du groupe, évoque moins un flottement aquatique qu’une houle galactique. Elles évoquent un voyage onirique dans un univers mouvant, aux contours indistincts et dans une totale obscurité seulement trouée par de douces déflagrations et ces particules lumineuses que la guitare lance par grappes et qui se réverbèrent sur la paroi muette du vide cosmique. Une voix lointaine à la nonchalance opiacée renforce l’impression d’irréalité.

C’est moins une orgie de couleurs qu’un monde de ténèbres et les espaces traversés évoquent aussi bien Hawkwind (Eclipse) que Jesus and Mary Chain (Staring at the Sun). Seul le dernier titre, Ride On, échappe à cette description avec de lourds riffs de guitare qui rappellent Neil Young, autre influence du groupe. Paradoxalement, il aurait pu donner son titre à un album qui ressemble à une virée sur une route sans fin. On aurait dit trip à une autre époque.

V, Wooden Shjips, Differ-Ant.

Musique
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