« Après la nuit animale » : Le sang des bêtes

Jonathan Palumbo publie un essai sur les rapports du cinéma aux animaux.

Christophe Kantcheff  • 12 février 2019 abonné·es
« Après la nuit animale » : Le sang des bêtes
photo : «Gorge cœur ventre » de Maud Alpi.
© Shellac

P eut-être n’est-ce pas un hasard si, à l’aube du XXe siècle, l’industrialisation donne naissance dans un même mouvement au cinéma et à l’abattoir. » Ces lignes sont extraites d’un essai singulier qui s’intéresse aux rapports entre animaux et cinéma, et à la façon dont on a montré (ou caché) leur mise à mort. L’engagement antispéciste de son auteur, Jonathan Palumbo, actuellement étudiant à la Femis, ne fait guère de doute.

Mais Après la nuit animale va bien au-delà du manifeste militant. C’est une étude serrée, qui aborde les questions éthiques et esthétiques « liées à la mort animale, à sa représentation et à ses effets politiques ». Non un livre d’indignation, mais d’analyses critiques des films considérés, qui jalonnent le siècle dernier jusqu’à nos jours, en commençant par le terrible court-métrage de Thomas Edison qui montre, en 1903, l’électrocution d’un éléphant.

Descartes, avec sa conception de l’animal-machine, est à l’origine de la hiérarchie entre les espèces, à quoi se sont ajoutés le productivisme capitaliste et les techniques de mise à mort rendant l’animal abstrait. L’auteur a choisi des films qui mettent en cause, d’une manière ou d’une autre, cette idéologie et ces pratiques. Qu’il s’agisse de Kinoglaz (1924) de Dziga Vertov, de Meat (1976) de Frederick Wiseman, de The Animals Film (1981) de Victor Schonfeld et Myriam Alaux, de Benny’s Video (1993) de Michael Haneke, de Fast Food Nation (2006) de Richard Linklater, de Gorge Cœur Ventre (2016) de Maud Alpi ou, plus inattendu, de Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper.

« Si l’image a permis la naissance et la survie de l’exploitation des animaux, elle apparaît plus que jamais comme l’arme rêvée de leur libération », écrit Jonathan Palumbo, avant de conclure son livre avec La Légende de saint Julien l’Hospitalier, de Flaubert, qui sonne la fin de la « nuit animale ».

Après la nuit animale, Jonathan Palumbo, préface de Nicole Brenez, Marest éditeur, 184 pages, 9 euros.

Culture
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