Communs numériques : le virus coopératif
La révolution numérique insuffle un esprit nouveau au monde des coopératives et lui apporte des outils qui pourraient le transformer en profondeur. Reportage à Lille.

Ici Lille. Trois bières, deux acteurs hyperactifs du monde des communs et un constat vertigineux : « Un truc énorme est en train de s’ouvrir devant nous. Il va modifier la société, pas forcément en bien, mais sûrement en profondeur. » C’est Sébastien Plihon, consultant et militant lillois de l’innovation sociale et numérique, qui entrouvre cette fenêtre. Avec son ami Simon Sarazin, 34 ans, facilitateur infatigable qui écume les lieux collectifs de la ville pour « faire commun » partout où les énergies s’y prêtent, ils sont le visage d’une nouvelle génération du mouvement coopératif, biberonnée à la culture numérique, son réflexe libertaire et son esprit contributif profondément ancrés en eux.
Dans la genèse de ce renouveau, il y a les développeurs informatiques et bidouilleurs, architectes des innovations numériques qui portaient haut le principe du « libre », selon lequel la connaissance, souvent parce qu’elle est le fruit d’un travail collectif, ne peut être privatisée. Une œuvre d’intelligence collective sans vocation lucrative, en somme. Les multinationales comme Microsoft ont largement pillé cet inestimable gisement de profits. Mais elles n’ont pas tué l’essence coopérative du numérique, car elles sont tenues d’y participer en mettant une partie de leur code source à la disposition de chacun. C’est la magie du libre, résume Simon Sarazin : « Comme c’est ouvert à tous, tout le monde contribue et améliore. Au point qu’aucun acteur privé ne peut atteindre le même niveau de sophistication. »
De fil en aiguille, « tout le numérique moderne s’est basé sur du logiciel libre, assure Kevin Dunglas, confondateur des Tilleuls, une coopérative informatique active dans ce domaine. Les techniciens, c’est un état de fait, ont créé un tas de communs qu’on est obligés d’utiliser. » Dans son open space vitré – sofa, baby-foot et machine à café –, il raconte l’histoire singulière de cette Scop fondée par trois militants de la CNT qui ne « voulaient pas reproduire ce qui se passe dans ce pan de