ESS : « Une internationalisation d’un nouveau type »

L’ESS suscite l’intérêt de plusieurs États, villes et régions dans le monde. Thierry Jeantet organise des rencontres multi-acteurs sur le sujet.

Jean-Philippe Milesy  • 14 février 2019 abonné·es
ESS : « Une internationalisation d’un nouveau type »
© photo : Avec cinq autres femmes, Jaqueline Correa a créé une coopérative de tri des déchets à Montevideo, en Uruguay. crédit : PABLO PORCIUNCULA/Afp

Fondateur des Rencontres du Mont-Blanc, aujourd’hui ESS-Forum international, Thierry Jeantet est un pivot de la structuration internationale de l’ESS et un des acteurs de sa reconnaissance au sein des instances officielles.

Vous avez largement contribué à ce que l’ONU intègre l’économie sociale dans ses programmes. Comment traduire cet engagement en véritables stratégies de développement ?

Thierry Jeantet : Le Groupe pilote international de l’ESS, qui a été initié par la France sur notre suggestion, a un plan de travail sur trois axes : un Guide international des législations de l’ESS pour répondre aux attentes d’États qui envisagent d’adopter de telles lois (un premier projet est établi) ; la tenue d’une série de réunions sur le financement de l’ESS (qui ont eu lieu en France, au Costa Rica, au Québec et au Sénégal), ce qui devrait déboucher sur une grande conférence sur ce sujet-clé en 2019 ; et le choix d’indicateurs d’efficacité de l’ESS. Parallèlement, la task force inter-agences de l’ONU dédiée à l’ESS effectue un important travail visant à mettre en commun des recherches et des actions de ces agences. ESS-Forum international y est associé, avec d’autres organisations internationales de l’ESS.

L’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie voient l’émergence ou le renouveau d’initiatives d’ESS, notamment à travers de grandes entreprises coopératives. Quelles sont les perspectives pour ces mouvements ?

Depuis quelques années, nous constatons en effet que de plus en plus d’États, de villes et de régions sur tous les continents s’intéressent à l’ESS et développent des programmes de soutien. C’est le cas, par exemple, en Uruguay, au Maroc et en Corée du Sud, pays très différents les uns des autres mais qui cherchent des solutions concrètes pour atteindre les objectifs de développement durable de l’accord de Paris sur le climat et ceux de la COP 24, qui s’est tenue en Pologne. En outre, nous observons que la création de coopératives, de mutuelles, d’associations et d’entreprises cousines permet aux femmes et aux hommes de rester vivre dans leur propre pays.

Après avoir défini l’économie sociale comme une alternative au capitalisme, vous avez récidivé en la présentant comme « une alternative planétaire ». Les dirigeants des grandes structures de l’économie sociale sont-ils conscients de ces enjeux ?

On note une prise de conscience croissante de la part des dirigeants d’entreprise de l’ESS, même si elle reste empreinte de prudence. Au sein d’ESS-Forum international, ils manifestent un intérêt fort à l’égard des échanges qui peuvent être organisés : ils sont de plus en plus demandeurs de « rendez-vous d’affaires ESS ». C’est le signe d’une internationalisation d’un nouveau type. Mais nous devons allons aller plus loin et continuer à marteler que, oui, l’ESS, est une voie de développement porteuse d’une efficacité innovante : celle qui concilie les objectifs sociaux, démocratiques, écologiques et économiques – et même technologiques. Pas d’avenir à dimension humaine sans l’ESS.

Thierry Jeantet est fondateur d’ESS-Forum international.

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