Faire ensemble : le nouveau programme des étudiants

L’ESS jeune a désormais son réseau, qui expérimente des projets de transformation de la société.

Anne-Cécile Dockès  • 14 février 2019 abonné·es
Faire ensemble : le nouveau programme des étudiants
© photo : LieU’topie, à Clermont-Ferrand, propose notamment une épicerie solidaire. crédit : Yannis Labeaume

Samedi 15 décembre 2018, chez ESS’pace, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Une vingtaine de jeunes lèvent la main à l’unanimité pour adopter les statuts de leur nouvelle association, Ekipi, mouvement national fédérant les initiatives étudiantes porteuses des valeurs d’ESS.

Dans une période où la société s’enfonce dans l’individualisme, les initiatives citoyennes pour un mieux-vivre sont autant de lueurs d’espoir d’un avenir en construction. Les jeunes au cœur d’Ekipi ont décidé de tracer le cadre de la société qu’ils et elles voudraient voir naître, et, pour cela, d’unir leurs forces dans un réseau national afin de promouvoir leurs modèles d’organisation et de permettre l’émergence d’initiatives.

Clara, à Grenoble, est présidente depuis un an de l’association Savoirs émancipation vie étudiante, un tiers-lieu de 1 100 m² sur le campus de Saint-Martin-d’Hères, qui organise plus de 300 événements durant l’année. À 22 ans, avec d’autres bénévoles, elle est en charge de cette association dotée d’une délégation de service public de la communauté d’universités de Grenoble.

À Clermont-Ferrand, Mathieu, qui vient de reprendre des études de chimie à l’université de Clermont-Auvergne, est le nouveau coprésident de l’association LieU’topie (qui compte 800 adhérent∙e·s). Le projet est né en 2013 dans la tête d’un groupe de jeunes, qui ont ouvert un petit local en centre-ville de la métropole auvergnate pour faire vivre l’initiative étudiante portant les valeurs de l’ESS : troc-party, monnaie locale, boissons biologiques, tarification solidaire, programmation culturelle et, aujourd’hui, dans un nouvel espace de 110 m², une épicerie solidaire de produits en circuits courts qui a remporté un concours national d’initiative étudiante.

Dans cette lignée, ESS’pace est né à Paris en 2017 avec pour ambition de faire tomber les barrières à l’entrepreneuriat étudiant dans l’ESS. Fanny et Laurent font partie de la nouvelle génération qui fait vivre ce tiers-lieu de quartier accueillant un espace de coworking et un restaurant.

Des étudiant·e·s ont aussi développé des projets répondant à certains de leurs besoins qui ne trouvaient pas de solution. Premier poste de dépenses, le logement demeure une problématique majeure à laquelle le dispositif Coop­Coloc tente de répondre. Des colocations coopératives permettent aujourd’hui à plus de 100 jeunes de se loger décemment pour un loyer abordable à Paris et à Ivry-sur-Seine, et des collectifs étudiants à Bordeaux et à Lille travaillent à l’essaimage du dispositif. Côté santé, l’assemblée générale de la Mutuelle des étudiants a fait preuve d’innovation en étant la première à rembourser les protections hygiéniques.

L’ESS étudiante a désormais un réseau sous la forme d’Ekipi, appui pour les initiatives qui font preuve de dynamisme et de créativité pour transformer la société. Elle est diverse dans ses formes et se déploie dans différents champs de l’économie. Elle choisit la solidarité et l’encapacitation de ses membres pour l’émancipation collective, elle pense son impact sur son environnement social, naturel et économique ; ses organisations sont des laboratoires de démocratie participative. Enfin, tous ces projets sont des cadres d’expérimentation où les jeunes cherchent et apprennent par l’action.

Si l’ESS veut se développer, se renouveler et innover, il est essentiel que les jeunes puissent la connaître, en être des acteurs et des actrices reconnus afin que les nouvelles générations contribuent à transformer l’économie. Il s’agit désormais de préserver et de développer les zones d’expérimentation et d’apprentissage (coopératives éphémères, programmes d’éducation par l’ESS, etc.) et de soutenir la création de nouveaux projets d’ESS par les jeunes.

Au-delà des discours, l’ESS doit être mobilisée pour permettre l’émergence de futures générations de citoyens et de citoyennes conscients de leur pouvoir d’agir par et sur l’économie.

Anne-Cécile Dockès est présidente de Solidarité étudiante et de l’association Les ami·e·s de l’ESS’pace.

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