Mélodies en sous-sol

Depuis 2013, La Souterraine débusque et diffuse les nouvelles voix les plus singulières de la pop francophone.

Jérôme Provençal  • 19 février 2019 abonné·es
Mélodies en sous-sol
© photo : L’équipe de la Souterraine. crédit : Thomas Bertini

Défendre une certaine tendance – buissonnière, décalée, audacieuse – de la pop en français dans le texte : telle est la mission que La Souterraine s’attache à remplir avec un zèle proche du sacerdoce.

Distincte d’un label, cette structure atypique met de la musique à prix libre à disposition via sa vitrine (souterraine.biz) hébergée sur Bandcamp, l’une des grandes plateformes musicales sur Internet. Association à but non lucratif, elle fonctionne sur le principe du bénévolat avec un noyau dur de cinq personnes, que d’autres rejoignent par intermittence. Les deux instigateurs en sont Benjamin Caschera et Laurent Bajon.

Actif dans le milieu de la musique depuis une dizaine d’années, Benjamin Caschera dirige notamment le label Almost musique avec le musicien Baron rétif (également impliqué dans La Souterraine). Inlassable dénicheur de pépites musicales, Laurent Bajon a longtemps animé l’émission « Planet Claire » sur Radio Aligre (1), fameuse station alternative parisienne. C’est par le biais de cette émission que les deux acolytes se sont rencontrés.

« Il y a quelques années, sont apparus plusieurs nouveaux venus (Arlt, La Féline, Aquaserge, Gontard !, Chevalrex…) qui chantaient en français et n’entraient dans aucune case, raconte Benjamin Caschera. Laurent Bajon et moi avons eu envie d’explorer cette scène francophone hors norme en fouillant sur Internet, et de la mettre en avant. Nous avons démarré La Souterraine avec une mixtape [compilation de morceaux, NDLR] d’Aquaserge, un groupe qui joue une musique vraiment à part et que nous trouvions injustement méconnu. »

Mise en ligne fin 2013, cette publication sera suivie de nombreuses autres à un rythme régulier. Le total approche aujourd’hui les deux cents – soit une moyenne de trois par mois. Présentant des morceaux d’artistes différents peu ou pas connus, les ­compilations ­collectives permettront en ­particulier à La Souterraine d’affirmer son identité et de susciter une attraction de plus en plus forte.

« Au début, nous cherchions beaucoup par nous-mêmes, déclare Benjamin Caschera. Maintenant, nous sommes directement contactés par des musicien·ne·s ou des groupes qui nous proposent leur musique. Nous recevons environ dix envois par semaine. Nous écoutons tout et nous donnons une réponse, même brève, à chacun. Au niveau du choix, nous pratiquons une forme de “discrimination positive” : par exemple, à valeur artistique égale, un groupe de la Creuse a plus de chance d’être retenu qu’un groupe de Paris. »

Afin d’amplifier l’écho de la musique mise en écoute sur Internet, des concerts et des soirées sont organisés. Amorcée au printemps 2018, une tournée est en cours, qui transpose sur scène C’est Extra, épatant florilège de reprises de chansons de Léo Ferré par un aréopage de jeunes artistes affiliés à La Souterraine. Par ailleurs, la Maison de la poésie, à Paris, accueille cette saison cinq soirées spéciales conçues par La Souterraine. Suivant un axe thématique emprunté au titre de l’une des compilations de la maison (par exemple, Qui sont les coupables ?), chaque représentation réunit plusieurs interprètes pour un programme composé de chansons originales, de reprises et de textes littéraires mis en musique ou lus. Le tout est créé in situ le jour même.

« Pour nous, c’est le truc le plus excitant du moment, s’enthousiasme Benjamin Caschera. Nous commençons les répétitions le matin à 10 heures et, au fil de la journée, nous concevons un spectacle que nous présentons le soir à la Maison de la poésie et que nous mettons ensuite en ligne. C’est une forme très ouverte qui permet d’expérimenter plein de choses. »

Principal objectif à court ou moyen terme : trouver des fonds pour doter la structure d’un véritable site Internet qui permettrait de documenter la pop souterraine francophone avec du contenu autre que musical (vidéos, créations graphiques, interviews…) et donner ainsi encore plus de visibilité aux artistes.

(1) Il anime désormais l’émission « La Souterraine » sur Radio Campus Paris.

Dernière compilation en date : Musiques des Ponts et Chaussées.

C’est Extra, le 22 février au Théâtre Sorano, Toulouse (31).

Trompe le monde, le 30 mars à la Maison de la poésie, Paris.

Musique
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