Raphaël Glucksmann : tout ça pour ça

L’essayiste médiatique s’est donc lancé dans la course aux européennes… avec le PS.

Agathe Mercante  • 20 mars 2019 abonné·es
Raphaël Glucksmann : tout ça pour ça
© photo : Olivier Faure, Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian à la Marche du siècle, le 16 mars.crédit : Thomas SAMSON/AFP

J e n’ai pas spécialement envie d’être candidat aux élections européennes ou à la présidentielle », promettait-il à Politis avant l’hiver (n° 1526, 8 novembre). C’est peut-être l’usage de l’adverbe « spécialement » qui préfigurait la candidature de Raphaël Glucksmann pour le scrutin européen, annoncée en grande pompe vendredi 15 mars, sur France Inter. Mais que ceux qui redouteraient une campagne solitaire pour le fondateur de Place publique se rassurent : il s’est allié avec le Parti socialiste. Outre la question des lignes politiques et de l’intérêt, ou non, de sauver la social-démocratie, cet accord fait voler en éclats les intentions de rassemblement de la gauche (EELV, Génération·s, PCF…) prônées par l’ancienne éminence grise du président (de centre-droit) géorgien, Mikheil Saakachvili. Pour le PS, qui a entériné l’alliance dès le lendemain lors d’un conseil national, la prise est belle, trop belle, presque inespérée. Alors que le parti peine à atteindre, selon les sondages, les 5 % d’intentions de vote (seuil nécessaire pour décrocher des élus), Raphaël Glucksmann fait ici figure de sauveur. La réputation de l’essayiste n’est pas entachée par les errances du parti, il est populaire et médiatique, et… c’est un intellectuel. _« Cela montre que le Parti socialiste est encore capable d’attirer des penseurs », se félicite un cadre du parti.

Pour Olivier Faure, c’est aussi un coup politique. Longtemps accusé par les caciques de la gauche de manquer d’autorité, le premier secrétaire a fait coup double. D’abord en s’évitant une campagne – si le PS y était allé seul, il aurait été contraint de prendre la tête de liste et de renoncer à son poste de député français – ; ensuite, en se débarrassant des hollandistes qui chahutaient son bureau national. Furieux, Stéphane Le Foll a par la suite annoncé quitter le bureau national.

Une opération « tout bénef » ? Pas tout à fait. Car si Raphaël Glucksmann est une figure médiatique aux dents longues, il n’en reste pas moins un novice en politique, et Place publique a aussi peu de moyens financiers que d’élus. « Hors de Paris, Place publique n’existe pas : qui sont leurs militants en province, leurs figures locales ? Personne ne les connaît », taclait un cadre socialiste anonyme à Libération, fâché, visiblement, de voir son parti payer pour la campagne d’un autre. Mais il n’y a pas qu’au PS que l’improbable alliance fait des déçus. Le cofondateur de Place publique, l’économiste atterré (doublement, en l’occurrence) Thomas Porcher, a annoncé prendre ses distances. Et de craindre dans les colonnes du JDD que cette liste commune soit « le nouvel emballage d’un produit périmé ». Recycler du périmé ne fait pas du frais, en effet.

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