Face au péril nationaliste

L’ouvrage collectif dirigé par Dominique Vidal redéfinit les concepts et situe les enjeux européens.

Denis Sieffert  • 1 mai 2019 abonné·es
Face au péril nationaliste
© photo : Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, symbole de la montée populiste en Europe.crédit : PETER KOHALMI/AFP

Voilà un ouvrage bien utile en ces temps de débats européens souvent confus. Son premier mérite est de situer les enjeux : le risque de voir les nationalistes devenir majoritaires en Europe, seuls ou en contraignant les droites à s’allier à eux. Et avec, dans tous les cas, des programmes de régression sociale, culturelle et morale. Une vingtaine de spécialistes réunis par Dominique Vidal analysent pays par pays ces forces en pleine ascension dans l’Union européenne, en soulignent les traits communs et les différences.

Du FPÖ autrichien à l’AFD allemande, de la Ligue italienne au PVV néerlandais en passant par le Fidesz hongrois et le SD suédois, les auteurs passent en revue tous ces mouvements que l’on qualifie parfois indifféremment de nationalistes, de populistes ou même, par une coupable facilité, de fascistes… Et c’est bien parce que tous ces concepts sont trop souvent interchangeables dans la littérature médiatique que l’introduction de Dominique Vidal est précieuse. Car de quoi parlons-nous au juste ? Si le nationalisme et l’extrême droite se confondent souvent, les deux catégories sont d’autant moins superposables que le nationalisme « est aussi présent à gauche, où il bénéficie d’une image positive issue des luttes de libération nationale ». Le politologue Bertrand Badie estime, lui, dans l’article qu’il signe en conclusion, que « la dérive du nationalisme se met en marche lorsque les distinctions par rapport à l’autre l’emportent sur l’acte d’émancipation ».

Vidal nous met aussi en garde contre un « nationalisme banal omniprésent », qui commence par l’exaltation familière des hymnes et des drapeaux. Et il en vient à s’interroger sur cette catégorie politique, confuse à force d’être mise à toutes les sauces : le populisme, « niveau tempéré » du nationalisme. Vidal opère cependant une forte distinction entre un populisme de droite, qui « surinvestit la nation agressée par l’autre, étranger ou immigré », et un populisme de gauche, celui que conceptualise la philosophe Chantal Mouffe, et qui revendique, au nom de la démocratie, une « souveraineté populaire ». Mais il note quelques traits communs tels que le culte du chef, une exaltation du peuple et de la nation « menacés par des élites mondialisées, et une prétention à dépasser le clivage gauche-droite ».

Pour Dominique Vidal, ces idéologies résultent de crises multiples, économiques, sociales et morales. Mais aussi d’une crise de l’information, qui « fragmente le champ politique » et « polarise les opinions ». Des crises qui sont surtout la conséquence de la disparition des alternatives politiques. Ou de l’instrumentalisation de fausses alternatives, comme lorsque Macron se sert de Le Pen comme d’un épouvantail. Car c’est bien d’une alternative de gauche que manque l’Europe.

Les Nationalistes à l’assaut de l’Europe, sous la direction de Dominique Vidal, conclusion de Bertrand Badie, Demopolis, 320 pages, 21 euros.

Idées
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