Vivement mardi !

Dans Lundi, Pierre Bergounioux ravive le jour de la semaine le plus difficile de son enfance.

Christophe Kantcheff  • 7 mai 2019 abonné·es
Vivement mardi !
© crédit photo : Ulf Andersen / Aurimages / Ulf Andersen / Aurimages

À côté de son œuvre romanesque et de son entreprise de diariste, Pierre Bergounioux a le génie des textes brefs et marquants. On se souvient, par exemple, de ses récits historiques et tragiques comme B-17 G (2001, Flohic) ou Le Baiser de sorcière (2010, Argol). Lundi renoue avec les évocations biographiques que l’auteur affectionne : il s’agit de la restitution impressionniste de l’univers de son enfance et de son adolescence, « dans la sous-­préfecture d’une lointaine province » rurale et déshéritée.

Ici, Pierre Bergounioux retrouve les couleurs de son existence des lundis, ce jour plus pesant que les autres, justement parce qu’il est celui du recommencement d’un cycle aliénant et gris. « Les lundis empruntaient forcément à chaque saison, écrit-il. Or, dans mon souvenir, et, peut-être, dans la réalité, ils ont la teinte mauve, funèbre des matins d’octobre puis atone, blanchâtre de la mi-journée. »

L’auteur n’exhume pas ses souvenirs de classe, mais ses réveils occupés par des formules mathématiques, ses allers-retours incessants à vélo entre chez lui et le lycée ou entre l’école de musique et chez lui, et ses journées harassantes surchargées d’activités (les études, le solfège, les cours de gymnastique ou de dessin industriel…).

Même les jours de pêche avec son père – a priori heureux – déclenchaient en lui une humeur contraire, l’une ensoleillée, l’autre sombre, selon qu’il s’agissait d’un dimanche ou, très exceptionnellement parce que férié, d’un lundi. « Ma mère avait idée du poids, sinon du maléfice, de cette journée et me secondait autant qu’il était en elle », écrit Pierre Bergounioux, dont la seule issue ne pouvait être que le départ. Mais se départir de ce passé est une autre histoire. Ce livre témoigne de cette impossibilité.

Lundi, Pierre Bergounioux, Galilée, 56 pages, 11 euros.

Littérature
Temps de lecture : 2 minutes