Dans les urnes, l’avis des bêtes

Du parti animaliste, fort de ses 2,17 % aux européennes, au mouvement REV d’Aymeric Caron, quelles voies politiques ?

Matthias Hardoy  • 12 juin 2019 abonné·es
Dans les urnes, l’avis des bêtes
© photo : Une affiche du parti animaliste à Villaudric (Haute-Garonne) pour les élections législatives du 11 juin 2017.crédit : PASCAL PAVANI/AFP

Le Parti animaliste est l’objet de convoitises. Il a été l’une des petites surprises du scrutin européen en dépassant les 2 % avec 490 000 voix. Pas suffisant pour obtenir un siège, certes, mais assez pour attirer les regards. Yannick Jadot, tête de liste Europe Écologie-Les Verts, a d’ailleurs appelé les animalistes à le rejoindre dans le nouveau grand mouvement écologiste qu’il souhaite créer désormais.

Soutenir une interdiction de la détention d’animaux dans les cirques et les delphinariums, abolir immédiatement les pratiques de chasse les plus cruelles : les revendications portées par ce jeune parti, créé en 2016, ont de quoi plaire aux véganes. Le parti ne se réclame pourtant pas du véganisme. « Même si certains membres le sont, le parti n’est pas végane, explique Samuel Airaud, l’un des fondateurs du parti, également membre de l’association L214. Le programme ne dit pas qu’il faut mettre fin complètement à l’élevage, par exemple, mais qu’il faut interdire l’élevage intensif. Pour certains des membres, c’est une étape temporaire vers l’abolition totale, pour d’autres non. »

Plutôt que le véganisme, qui suscite encore de vifs débats, le parti met en avant la protection des animaux, qui fait, selon lui, « consensus au sein de la population ». Le Parti animaliste exclut la radicalité. Il ne soutient pas la fermeture totale des abattoirs, mot d’ordre de plusieurs associations véganes (dont L214), mais préconise, plutôt vaguement, « l’arrêt des pratiques les plus génératrices de souffrance dans les abattoirs ».

Hélène Thouy, avocate et tête de liste du Parti animaliste aux européennes, se montre très prudente sur l’avenir du parti. « Le but était d’abord de rendre visible un électorat. De montrer aux partis qu’ils perdaient des voix en négligeant les animaux. Rien n’est fixé, tout va dépendre de l’avancée de la société sur ces questions. » Le but du Parti animaliste n’est pas de perdurer, selon Samuel Airaud. « Si, dans quelques années, la société prend  vraiment en compte l’Intérêt des animaux,on fêtera avec joie, au Parti animaliste comme à L214, notre dissolution. La défense des animaux ne doit pas devenir un fonds de commerce. »

Le parti REV (Rassemblement des écologistes pour le vivant), lui, revendique le véganisme et l’antispécisme. Ses propositions (affirmation du droit des animaux à ne pas être tués, fermeture des élevages pour la viande, abolition de la chasse et de la pêche…) vont bien plus loin que celles du Parti animaliste. Selon Aymeric Caron, l’essayiste et journaliste à l’origine de REV, « le véganisme est avant tout un mode de consommation. C’est l’antispécisme qui est politique ». Pour lui, cette vision globale s’inscrit « clairement à gauche et doit pouvoir s’emparer de tous les sujets ». C’est le point de friction qui a finalement empêché une alliance de voir le jour avec les animalistes, qui veulent demeurer « un parti monothématique ». Si cette approche a été payante en Allemagne et aux Pays-Bas, où les partis animalistes ont réussi à obtenir trois sièges aux dernières européennes, le président du REV considère qu’elle n’est pas « à la hauteur des enjeux ». Selon lui, « quand on remet en cause l’élevage industriel, il est difficile d’occulter l’aspect économique et social derrière ».

Le REV n’a finalement pas pu se présenter aux européennes, après l’échec des négociations avec le Parti animaliste et Génération Écologie. Mais Aymeric Caron croit toujours en la nécessité d’« un mouvement écologiste plus radical qu’EELV ». Le pari est complexe. Pour le moment, les véganes et les antispécistes susceptibles d’être attirés par ce projet sont « éparpillés dans plusieurs forces politiques de gauche comme La France insoumise ou Génération·s, constate Aymeric Caron_. Mais ils sont surtout présents dans des associations comme L214 »_. En attendant, l’essayiste fait feu de tout bois et vient de lancer Komodo, une web-tv payante se voulant « le média du respect du vivant et des droits des animaux ».

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Publié dans le dossier
Qui a peur des véganes ?
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