La France insoumise : retrait d’une figure, progrès d’une fissure

Le départ de Charlotte Girard ébranle LFI, en pleine cacophonie.

Agathe Mercante  • 11 juin 2019 abonné·es
La France insoumise : retrait d’une figure, progrès d’une fissure
© photo : Charlotte Girard et Jean-Luc Mélenchon, le 21 novembre 2017. crédit : LUDOVIC MARIN/AFP

C’est plus qu’un simple départ, c’est une séparation. Une rupture qui blesse, et qui marque. Charlotte Girard, proche de Jean-Luc Mélenchon, corédactrice de L’Avenir en commun (le texte-programme de La France insoumise) et cadre très appréciée des militants, a, elle aussi, claqué la porte… mais en douceur. Une perte de plus pour LFI, qui, depuis son faible score aux européennes du 26 mai, n’en finit plus de tanguer. Son départ est motivé par des « doutes » sur « la liste » pour les européennes et « la rédaction chaotique du programme » qui n’ont, dit-elle « pas trouvé de cadre où être travaillés et élaborés ». Une nostalgie aussi, celle de la présidentielle de 2017, où « les interventions [étaient] toujours fondées sur l’explication, jamais sur l’invective ». À mots choisis, Charlotte Girard exprime sa désapprobation à l’égard de la ligne désormais prise par LFI et déplore, comme beaucoup au sein du mouvement, sa verticalité.

Mais ce départ, qu’elle aurait aimé faire « sur la pointe des pieds », n’est que l’aboutissement d’une série de petits pas en retrait commencés il y a déjà longtemps par la veuve de François Delapierre. En 2018 d’abord, quand Charlotte Girard, destinée à mener la bataille européenne, s’y refuse. Elle n’invoque pas alors de raisons politiques. « Mes contraintes personnelles, familiales et professionnelles […] rendent incompatibles une campagne tout comme un mandat de député européen », écrit-elle sur Facebook, mi-novembre. En avril 2019 ensuite, quand elle annonce qu’elle se retire de la coresponsabilité de L’Avenir en commun. À l’époque, un de ses proches, cité par Le Point, explique : « Elle était agacée d’être la caution d’un programme qui change au gré des humeurs de Jean-Luc Mélenchon. »

La semaine dernière enfin, quand elle cosigne la note interne (révélée par Le Monde) qui étrille la direction du mouvement :

Aucune véritable instance de décision collective ayant une base démocratique n’a été mise en place. […] Les décisions stratégiques fondamentales sont finalement prises par un petit groupe de personnes, dont on ne connaît même pas précisément la démarcation – prérogatives, champ d’action, identité, statut sans qu’ils aient pour autant reçu de véritable délégation de la part du mouvement pour le faire.

Ce départ, ferme mais sans animosité, est un coup dur pour Jean-Luc Mélenchon, qui, depuis les européennes, se tait. Dans deux posts publiés sur son blog, il a déclaré attendre que « la poussière retombe » avant de s’exprimer. Le leader de La France insoumise l’a pourtant fait le 6 juin, pour violemment étriller pêle-mêle des journalistes – « Aujourd’hui nous sommes de nouveau en difficulté et placés sous le coulis de cette bouche d’égout qu’est la rubrique du Monde » – et des figures de LFI – « Déjà à l’époque certaines voix inspirées proposaient la nécessité d’un “big bang de la gauche” et diverses officines gauchistes prévoyaient la tenue d’improbables assises de refondation ou je ne sais quel de ces refrains répétitifs des mauvais jours ».

Une référence à l’appel au rassemblement, lancé quelques jours plus tôt, par les députées Clémentine Autain (LFI) et Elsa Faucillon (PCF). Ce pseudo-silence fait planer la crainte d’un retrait de Jean-Luc Mélenchon de la vie politique. Déjà, s’agitent les esprits qui s’interrogent sur les figures providentielles capables de piloter le mouvement monocéphale. Le député de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière, celui du Nord Adrien Quatennens ou celui de la Somme, l’électron libre François Ruffin ? Une cacophonie au sein du mouvement que les cadres actuels peinent à contenir. Chez LFI, on se déchire sur le plan stratégique (populisme ou pas populisme ?) pour tenter d’expliquer la bérézina du 26 mai. Ces explications, les militants de La France insoumise, qui seront rassemblés le samedi 22 juin pour l’assemblée représentative du mouvement, les attendent de pied ferme. Charlotte Girard, qui avait un temps songé à annoncer son départ à cette occasion, sera sans doute au centre des conversations.

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