Touche de douceur

La chanteuse Serena Fisseau et l’accordéoniste Vincent Peirani partagent un peu de leur intimité artistique, et c’est universel.

Lorraine Soliman  • 11 juin 2019 abonné·es
Touche de douceur
© crédit photo : sylvain gripoix

Voici un disque à mettre entre toutes les oreilles. Les plus petites comme les plus grandes y trouveront une stimulation douce et puissante. So Quiet est une invitation au rêve conscient et un éveil sensible à la diversité du monde. Comptines, berceuses, ballades, ritournelles, chansons douces ou populaires, quelle que soit l’étiquette qu’on leur attribue, ces quatorze pièces font un tout vertueux où la complicité de deux grands musiciens se combine à celle de parents clairvoyants.

Serena Fisseau et Vincent Peirani se sont emparés d’un répertoire éclectique où l’on sent percer un désir intense d’universalité. On entre dans ce bain de tendresse lucide avec « Bengawan Solo », célébration nostalgique de la rivière Solo, à Java, où le chant est sobrement posé sur les ondulations organiques de l’accordéon. Avec cette reprise d’une fameuse chanson indonésienne, dans la langue de ses origines, Serena Fisseau donne un ton de retour aux sources, comme un point d’ancrage lointain et familier au fil duquel s’étoileront les chants d’après. En commençant par « La Javanaise », naturellement. Gainsbourg et Gréco revus et délicieusement surlignés par un accompagnement contrapuntique au Wurlitzer (1). Petit pont habile vers ce « monde merveilleux » (« What a Wonderful World ») jadis rendu célèbre par Louis Armstrong, conservant sa rondeur jubilatoire dans une version où l’accordéon et les petites percussions (plastic bags) dessinent une pulsation enjouée.

En anglais, en français, en portugais et même en occitan sur « La Bourdique » (de Richard Hertel et André Minvielle), Serena Fisseau se (et nous) délecte dans cette babélienne traversée en mélopées lointaines et rassurantes qui constituent l’enveloppe sonore quotidienne de ses deux enfants. « La Tendresse », rendue populaire au début des années 1960 par l’émouvant Bourvil avant d’être reprise encore et encore sous des jours plus ou moins convaincants, s’incarne ici dans un chant qui ne trahit pas la beauté simple de la version princeps.

Serena Fisseau et Vincent Peirani ont l’art et la manière de s’approprier des « tubes » et d’y apporter leur touche sans les dénaturer. Une qualité suffisamment rare pour être soulignée. Ainsi, de Jobim, Caetano Veloso, Burt Bacharach ou John Lennon et Paul McCartney, ils font du Fisseau et Peirani, sans autre démonstration. Si seulement tous les enfants du monde pouvaient grandir au son vertueux de ce duo harmonieux, so quietly


(1) Piano électrique à 64 touches dont les sons sont produits par des marteaux venant percuter des petites lames de métal. So Quiet, ACT/Pias.

Musique
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