Éloge de la première phrase

Bertrand Leclair publie un essai sur les débuts dans l’art littéraire.

Christophe Kantcheff  • 16 juillet 2019 abonné·es
Éloge de la première phrase
© crédit photo : George Seguin

Si le livre que publie aujourd’hui Bertrand Leclair est directement le fruit d’un travail de transmission et d’ateliers d’écriture, on y sent aussi l’expérience d’un écrivain, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, qui a décidé de faire le point sur ses choix et sa connaissance en matière d’art littéraire.

Cette expression, « art littéraire », n’est pas là par hasard : elle indique que l’écriture, telle que Bertrand Leclair la conçoit, se tient du côté de l’art, non de celui du divertissement ou autre savoir-faire à raconter des histoires. Cette conception est fondamentale parce qu’elle trace une ligne de séparation indiscutable entre le mort et le vivant. Le vivant, c’est la langue hors de la gangue de la communication et des représentations communes, c’est le mouvement qui va permettre au texte de trouver sa forme, c’est l’élan qui projette la première phrase, qui elle-même recèle la trajectoire du récit à venir.

Débuter, comment c’est – le jeu de mots souligne les mille et un tours que la langue réserve à qui la laisse libre – s’intéresse, comme il se doit, à l’incipit. Bertrand Leclair en a choisi plusieurs, souvent d’œuvres célèbres, dont il décrit la singularité et la fécondité. De Proust à Homère, d’Aragon à Cixous, de Ghérasim Luca à ses propres œuvres, pénétré de ses multiples lectures – indissociables, dit-il, de l’écriture –, l’auteur s’appuie sur ce que révèlent ces premières phrases pour en dire long sur l’art littéraire.

Débuter, comment c’est, avec ce sous-titre « Entrer en littérature », s’adresse à ceux qui voudraient s’y adonner. Il ne s’agit pas de conseils mais, à leur manière, de « lettres à un jeune poète » délivrées avec une générosité devenue rare. Il va de soi, aussi, que Bertrand Leclair y concentre là sa poétique, hautement transgressive.

Débuter, comment c’est, Bertrand Leclair, Pocket, 192 pages, 8,60 euros.

Littérature
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