Les pieds dans le « captcha »

La plateforme Internet mise en place par le gouvernement pour recueillir les soutiens soulève de nombreuses critiques.

Jérémie Sieffert  • 3 juillet 2019 abonné·es

On a connu la « start-up nation » plus en pointe dans la « disruption » technologique. La plateforme Internet du ministère de l’Intérieur chargée de recueillir les soutiens au projet de référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris n’en finit pas de soulever les critiques. Ce furent d’abord de nombreux bugs sur un site créé il y a plus de trois ans mais jamais testé et qui n’avait jamais servi jusqu’au 13 juin dernier. Il y eut ensuite la polémique sur les champs de formulaire imbitables, et maintenant, celle sur l’absence de compteur officiel.

« Le gouvernement casse le compteur », titrait Libération le 26 juin. En cause, la fermeture d’une page qui permettait de calculer facilement le total. En lieu et place, il faut consulter des milliers de pages classées par zones géographiques et additionner les chiffres. Des pages toutes protégées par un « captcha », un dispositif censé garantir que c’est bien un humain qui consulte et non un robot. Un travail de fourmis qui doit donc se faire à la main.

Qu’un formulaire à valeur constitutionnelle soit ainsi protégé est normal. Mais le captcha complique aussi la consultation des soutiens, qui sont pourtant une donnée publique. Un captcha particulièrement complexe, puisqu’il fait jusqu’à dix caractères et distingue majuscules et minuscules. Même pour signer, il faut parfois s’y reprendre à plusieurs fois.

Pour compter, plusieurs stratégies. Libération ne consulte que certaines pages et extrapole les chiffres. L’étudiant en informatique David Libeau a mis en place un compteur collaboratif. Le site adprip.fr, lui, utilise un script qui trompe le captcha. Ces trois méthodes obtiennent des résultats similaires.

Le gouvernement, lui, « assume » une lecture tendancieuse de la loi sur le référendum d’initiative partagée, qui charge bien le Conseil constitutionnel de vérifier les soutiens mais ne précise pas qu’il faut interdire le comptage citoyen. C’est d’ailleurs la vénérable institution qui a fini par diffuser le chiffre (assez proche des estimations), dans un communiqué en date du 1er juillet, et devrait le mettre à jour d’ici la fin du mois. En attendant, la « démocratie numérique » tant vantée n’aura pas mieux, la Macronie semble en effet peu empressée de favoriser cet exercice de démocratie participative unique en son genre.

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