Une voix puissante

Plaidant avec ferveur la cause des femmes depuis trente ans, la grande chanteuse malienne Oumou Sangaré est l’une des têtes d’affiche du festival Jazz à La Villette.

Jérôme Provençal  • 28 août 2019 abonné·es
Une voix puissante
© crédit photo : Frédéric Scheiber/Hans Lucas/AFP

Née en 1968 à Bamako, où elle grandit auprès de sa mère – elle-même chanteuse – et de ses frères et sœurs (son père étant parti vivre en Côte d’Ivoire avec une autre femme), Oumou Sangaré commence à pratiquer le chant dès l’âge de 5 ans. Chantant lors de fêtes scolaires, de baptêmes ou de mariages, ou simplement dans la rue, elle révèle tôt une voix de grande ampleur. Adolescente, devenue membre de l’ensemble de percussions Djoliba, elle donne ses premiers concerts hors du Mali, notamment en France et en Allemagne. De retour au pays natal, elle monte sa propre formation, axée autour du kamélé n’goni. Proche d’un luth ou d’un oud, cet instrument à cordes est un composant essentiel de la musique du Wassoulou, région située au sud-est du Mali, dont est originaire la famille d’Oumou Sangaré.

Si elle emprunte une voie plutôt classique sur le plan de la musique, fidèle à la tradition du Wassoulou, la chanteuse exprime en revanche d’emblée de forts penchants progressistes au niveau des paroles – le plus souvent en bambara, langue majoritaire du Mali. S’attaquant en particulier à la polygamie et aux mariages arrangés, elle se fait ainsi l’avocate fervente de la cause des femmes. Inspirée par le vécu douloureux de sa mère, la chanson « Magnoumako » – qui figure sur l’album Laban (2001) – constitue l’une de ses plus marquantes contributions à cette cause. Son engagement se manifeste aussi sur d’autres fronts, par exemple avec « Africa Stop Ebola », chanson caritative – sur le modèle de « We Are The World » – enregistrée en 2014 avec diverses autres stars africaines (Tiken Jah Fakoly, Amadou & Mariam, Salif Keita, Mory Kanté…) afin de récolter des fonds pour endiguer la propagation du virus Ebola.

Oumou Sangaré reçoit un accueil triomphal au Mali et en Afrique dès son premier album, Moussolou (« Les Femmes »), sorti en 1989. Grâce au soutien d’Ali Farka Touré, qui la prend sous son aile, elle signe peu de temps après un contrat avec le label anglais World Circuit. À partir de ce moment-là, se produisant régulièrement sur scène à travers le monde, elle va conquérir un public toujours plus large, même si elle publie peu d’albums – le plus notable étant Worotan (1996). Parue en 2003, la double compilation Oumou – qui rassemble vingt morceaux dont « Magnoumako » – offre un excellent résumé de ses quinze premières années de carrière et un accès idéal à son univers.

En 2015, aux côtés de ses compatriotes Mamani Keita et Mariam Doumbia, Oumou Sangaré impulse Les Amazones d’Afrique, un collectif à géométrie variable de musiciennes et chanteuses d’Afrique de l’Ouest destiné à lutter en musique pour l’émancipation des femmes. Son dernier album solo, le chatoyant Mogoya – auquel a participé le légendaire batteur nigérian Tony Allen (également présent à La Villette cette année) –, date de 2017. Il est sorti chez No Format !, précieux label français sans frontières, qui fête aujourd’hui ses quinze ans d’existence. À cette occasion paraît une généreuse compilation comprenant notamment deux chansons d’Oumou Sangaré.

Jazz à La Villette, du 29 août au 10 septembre, www.jazzalavillette.com

Également à l’affiche : Kokoroko, Lee Fields & The Expressions, Joshua Redman, Kamaal Williams, Étienne Jaumet, ALA.NI, etc.

Musique
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