Geneviève Azam : « Devenir terrestre »
Dans sa Lettre à la Terre, Geneviève Azam récuse le traitement de la planète comme un objet à exploiter. Elle explique ici pourquoi elle a voulu s’engager plus personnellement dans la défense de notre demeure commune.
dans l’hebdo N° 1567 Acheter ce numéro

Économiste, membre d’Attac, enseignante, chroniqueuse à Politis, Geneviève Azam a troqué l’écriture à la troisième personne pour le « je ». Elle s’adresse à la Terre – et celle-ci lui répond. Par cet exercice, cet effort philosophique, historique, éthique et même poétique à l’ombre des catastrophes, mais aussi des résistances, elle tente d’atterrir et de « nous » faire atterrir. Selon elle, ce sont nos attachements qui nous engagent, et c’est donc en retrouvant les liens qui libèrent avec notre demeure commune que nous pourrons en prendre soin et refuser activement les destructions à l’œuvre et à venir.
Votre Lettre à la Terre paraît alors que son poumon vert, l’Amazonie, mais aussi les forêts d’Afrique brûlent de manière exponentielle. De quelle manière cela révèle-t-il nos cauchemars et nos responsabilités ?
Geneviève Azam : Ces feux sont en effet de véritables cauchemars qui se réalisent et s’accompagnent d’une infinie tristesse. Les incendies de forêts en Sibérie nous ont déjà alertés cette année, et nous éprouvons, dans notre corps et notre esprit, un sentiment de perte définitive suivi d’une grande révolte. Il faudra des décennies avant que les arbres repoussent. Certaines espèces disparaîtront et des plantations nouvelles feront leur apparition. Ce sont des forêts très anciennes qui ont brûlé. Pas seulement des arbres, mais des territoires peuplés : une faune, une flore, des humains et leur milieu de vie sont également partis en fumée.
« Notre monde va disparaître par le feu », déclare un chaman brésilien dans mon livre, évoquant pour sa part le feu nucléaire. On a connu l’an dernier des feux quasi impossibles à maîtriser en Californie et en Suède. Les canicules et feux de forêt ont certes toujours existé. Mais ils revêtent aujourd’hui un caractère systémique en s’étendant à l’ensemble de la planète. Pour la forêt amazonienne, la destruction n’est pas seulement le fait du président Bolsonaro, même s’il a une responsabilité criminelle dans l’amplification présente de la déforestation et des incendies au profit de l’agrobusiness. Si la responsabilité humaine est
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