« Les mégafeux sont liés à des choix de société »
La philosophe Joëlle Zask pointe la responsabilité humaine dans les incendies qui ravagent tous les continents. Et martèle qu’il est urgent d’arrêter de vouloir dominer la nature.
dans l’hebdo N° 1568 Acheter ce numéro

L’Amazonie, la Sibérie, l’Afrique subsaharienne, le Groenland, l’Indonésie, la Californie, le Portugal… Ces deux dernières années, les flammes ont ravagé des millions d’hectares sur tous les continents. Joëlle Zask s’interroge dans son nouvel essai, Quand la forêt brûle, sur ce que représentent les mégafeux (selon la terminologie de Jerry Williams, ancien responsable du service des forêts américain) et s’attache à montrer la dimension globale et systémique de ces phénomènes « cataclysmiques à l’échelle humaine ». Elle affirme que nos sociétés sont entrées dans le pyrocène, l’ère du feu, et qu’elles devraient en profiter pour remettre en cause la domination humaine de la nature, notamment en réinventant nos liens avec les arbres.
Est-il vraiment possible de définir ce que sont les mégafeux ?
Joëlle Zask : L’intensité et l’étendue sont leurs premières caractéristiques. Ils ne représentent qu’une petite partie des feux, car ils coexistent avec des feux d’entretien, des feux saisonniers, etc., mais ils sont responsables de 90 % des surfaces brûlées aujourd’hui. Cette année, en Sibérie, douze millions d’hectares sont partis en fumée, plus d’un million en Bolivie… Ensuite, les mégafeux sont clairement des effets du réchauffement climatique et contribuent eux-mêmes à celui-ci : émissions de gaz à effet de serre, de dioxyde de carbone, de méthane ; pluies de suie sur les surfaces enneigées qui accélèrent la fonte des glaces ; intrusion dans des mines abandonnées qui font émerger les métaux enfouis, dont les substances toxiques polluent les sols, les rivières et