Une femme broyée

Pompier(s) : le face-à-face d’une grande puissance d’un violeur et de sa victime.

Gilles Costaz  • 17 septembre 2019 abonné·es
Une femme broyée
© crédit photo : Giovanni Cittadini Cesi

Ça cogne, ça bouleverse, ça coupe (sans heurts, minute après minute) le souffle. Pompier(s), de Jean-Benoît Patricot, parle du viol d’une jeune fille qui n’a pas toute sa tête, des abus dont elle est victime de la part de celui qui profite d’elle et du crime de viol collectif, puisque l’innocente est transmise aux copains et à leur sauvagerie sexuelle. Cela se passe chez les soldats du feu puisque Patricot s’est inspiré d’un fait divers qui impliquait des représentants de ce corps de métier.

Quand la pièce commence, les fautes sont en train d’être établies par la justice. Dans une salle qui se trouve sans doute près du tribunal, le violeur et sa victime sont à deux emplacements qu’ils ne devraient pas quitter puisqu’ils n’ont pas le droit de s’adresser la parole. Mais ils échangent quelques mots, se rapprochent et se laissent emporter par le besoin de dire, chacun, sa vérité. La jeune femme veut se convaincre que cette fornication imposée était de l’amour, lui se prétend irréprochable à coups de mensonges carnassiers.

Paris découvre au Rond-Point ce texte formidable de puissance et d’intériorité dans une mise en scène de Catherine Schaub qui rythme parfaitement les paliers de la douleur brûlante et de l’ignominie tranquille. Pompier(s) a été créé en 2017 à Avignon, au Balcon, dans une belle mise en scène de Serge Barbuscia, jouée par William Mesguich et Camille Carraz. Il y avait un espoir de paix, un amour minimal dans cette première version. Ici, jouée par une stupéfiante Géraldine Martineau (au plus haut de l’expression de la déchirure) et un Antoine Cholet troublant, il n’y a plus d’arrière-plan, de possibilité de pardon ou de gentillesse à laquelle la victime céderait malgré tout. Tout a été fracassé, dans la clarté d’un spectacle foudroyant. 

Pompier(s), théâtre du Rond-Point, Paris. Jusqu’au 13 octobre. Texte chez Riveneuve/Archimbaud.

Théâtre
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