Lumineuses ténèbres

Premier album réussi d’un collectif de musiciens anglais réunis sous le nom de The Quiet Temple.

Jacques Vincent  • 8 octobre 2019 abonné·es
Lumineuses ténèbres
© crédit photo : Gullick

On se demande parfois s’il ne suffit pas de proposer une musique instrumentale incluant au moins un cuivre pour être classé dans la catégorie jazz. La sortie du premier album de The Quiet Temple, souvent rangé sous cette étiquette, le laisse à nouveau penser. Il faut dire que la formation multiplie les références dans ce domaine, depuis son nom emprunté à une composition du pianiste Mal Waldron à cette reprise de Don Cherry, « Utopia and Visions », figurant sur l’album Organic Music Society paru en 1972. Ce qui, dans un sens, est assez bien vu, le concept de musique organique étant pertinent ici.

Mais The Quiet Temple cite tout aussi bien le Velvet Underground, King Tubby ou le groupe allemand Neu !, ce dernier constituant d’ailleurs une meilleure piste pour deviner ses intentions. Tout cela a finalement moins d’importance que la qualité des six compositions, qui, si elles n’ont aucune raison d’être classées dans la catégorie jazz, ont en revanche de forts arguments pour attirer l’attention. Disons que ces gens-là ont une culture musicale et du goût. Qui sont-ils d’ailleurs ?

The Quiet Temple a été créé en 2017 par le multi-­instrumentiste Duke Garwood, auteur de six albums et collaborateur d’artistes aussi divers que The Orb et Mark Lanegan, et Rich Machin, membre des Soulsavers. Autour d’eux s’ajoutent des musiciens ayant joué avec Stereolab, Spiritualized ou Julian Cope. Pas vraiment un super-groupe au sens où on l’entendait à une époque, ou alors dans la case underground. Moins un groupe d’ailleurs qu’un collectif réuni pour ce disque dont le nombre restreint de titres s’explique par leur durée, la plupart flirtant avec les dix minutes.

La musique de The Quiet Temple prend son temps, consciente qu’il s’agit d’un élément indispensable pour en faire ressortir tout le pouvoir d’envoûtement. C’est une musique spatiale qui trace des chemins sur un rythme lent dans une obscurité plastique, épaisse, dense et profonde engendrée par la batterie et la basse, sur laquelle surfent les autres instruments, saxophone et guitare en tête, lesquels émettent des grincements ou fomentent des incendies, seules lueurs de ce monde de ténèbres. Une musique plus figurative et moins colorée que le tableau représenté sur la la pochette mais qui laisse pareillement chacun s’en emparer avec sa propre imagination.

The Quiet Temple, The Quiet Temple, Pias.

Musique
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